C'est Patti mon kiki !
L'autobiographie fiévreuse d'Arthur Rimbaud, jalonnée de bouffées délirantes, oscillant entre les pôles extrêmes d'une morale chrétienne chahutée, est une lutte métaphysique de haute volée d'où le lecteur sort étrillé. "Une Saison en enfer", paru à compte d'auteur en octobre 1873, a fêté ses cent cinquante ans d'existence en 2023. La commémoration impulse une production éditoriale de qualité qui risquerait sinon de vivoter en sourdine ou de sommeiller dans les cervelles savantes ou artistes sans jamais voir le jour. La rockeuse américaine Patti Smith, amoureuse de longue date du poète français, s'est saisie de l'opportunité pour proposer un magnifique livre de poésie aux éditions Gallimard. Si le prix telle une ruade imprévue peut faire mal aux bourses, 45 € l'exemplaire, l'oeuvre imprimée une fois en main panse toutes les contusions. Grand format, blancheur du papier, belle impression se conjuguent pour offrir une qualité de lecture remarquable. La patte de Patti s'immisce partout. Ses textes, photographies et illustrations contextualisent l'oeuvre rimbaldienne et lui donnent corps avec la manière. Précise et poétique, l'artiste fait vibrer la Saison avec des ajouts percutants comme ce "revolver Lefaucheux à six coups de calibre sept millimètres" qui, par la main tremblante de Verlaine, aurait pu faire rendre un "dernier couac" à Rimbaud. Elle prolonge l'incroyable confession du jeune Arthur avec un choix inspiré de ses poèmes ainsi que des lettres aux siens, émouvantes. Last but not least, Patti Smith clôt son hommage avec le poème "Génie", pur joyau serti dans les "Illuminations" qui flotte comme une traîne magnifique après le "combat spirituel" d'une "Saison en enfer".

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