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[Femmes hors-la-loi | Frédéric Ploquin, Maria Poblete]
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Posté: Sam 27 Juil 2024 15:10
MessageSujet du message: [Femmes hors-la-loi | Frédéric Ploquin, Maria Poblete]
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Cet ouvrage est une enquête journalistique qui présente des biographies de femmes criminelles, surtout protagonistes du grand banditisme et de ce qu'on appelait autrefois la pègre. Certaines sont probablement assez connues des amateurs de faits divers et chronique noire, d'autant que leurs faits et gestes recouvrent une grande partie du XXe siècle, pas seulement les dernières années. La répartition des chapitres (cf. infra) tente cependant de fournir un paysage assez exhaustif des différents types de délits et de crimes, afin de montrer les similitudes et des différences de procédés criminels entre femmes et hommes. De plus, le résumé de ces chapitres, placé en exergue de chacun et qu'il m'a semblé utile de citer intégralement, fait preuve d'une esquisse de thèse qui porterait, outre que sur les ressemblances entre délinquantes et délinquants, sur l'influences des rapports amoureux dans les trajectoires des femmes criminelles.
Pourtant, la singularité des personnalités et celle des affaires rend difficile toute généralisation sociologique, que je recherchais avidement tout au long de ces pages, et que j'ai fini par trouver principalement dans le bref chapitre conclusif, dans les témoignages de douze avocats pénalistes (dont j'ai abondamment puisé dans les cit.).
La prose des deux auteurs-journalistes, haletante et fortement inspirée par les chroniques des affaires policières, rend la lecture légère, fluide et... estivale !



Table [intitulé et résumés des chap.]

Chapitre Ier : « Une prison pour femmes » :
"Une prison pour femmes : pas de meilleur endroit pour entamer cette plongée dans le monde des voyous au féminin. Où l'on comprend, au fil des rencontres, que les différences sont finalement assez minimes avec les prisons pour hommes : mêmes rapports de force, mêmes bagarres, mêmes rackets, même façon de s'entraider ou de se faire la guerre..."

Chap. 2 : « Comme des hommes » :
"'Comme des hommes', l'expression revient régulièrement dans la bouche de nos interlocutrices. Pour celles qui ont prêté main-forte aux cadors du milieu traditionnel comme pour ces bandes de filles qui affolent nos quartiers, c'est la même chanson : le sexe faible n'existe pas !"

Chap. 3 : « Femmes de la nuit parisienne » :
"Tata, Michèle et Sylvia ont été, chacune à sa manière, trois reines de la nuit. Où l'on comprend qu'en devenant les gardiennes des établissements où les hommes sont clients, ce sont elles qui dictent leur loi."

Chap. 4 : « Les Méditerranéennes » :
"Le milieu, c'est bien connu, a son épicentre autour de l'arc méditerranéen. Corses, Marseillais, Toulonnais et Niçois ont tenu le haut du pavé tout au long du XXe siècle. Une culture communicative, si l'on en juge par le nombre de femmes qui leur ont emboîté le pas, avec le même appétit, la même volonté hégémonique, la même force de caractère et une gouaille qui leur est commune."

Chap. 5 : « Le sang des 'voyoutes' » :
"Le cimetière des voyous est peuplé de cadavres d'hommes, au point qu'on en oublierait presque que les femmes, elles aussi, se font parfois trouer de balles au coin de la rue. Et, pourtant, ce n'est pas par accident qu'elles ont été assassinées. C'est bien parce qu'elles dérangeaient, parce qu'elles pesaient sur leur territoire, qu'elles inspiraient la peur, voire qu'elles étaient, elles aussi, susceptibles de commettre le pire. Comme les garçons..."

Chap. 6 : « Les guerrières » :
"Dans le milieu, les braqueurs incarnent une forme d'aristocratie, une classe supérieure par rapport à celle des trafiquants de drogue. Les femmes qui se sont risquées sur ce terrain sont peu nombreuses. Mais, n'ayant peur de rien et pas du tout froid aux yeux, elles peuvent rivaliser avec la célèbre Calamity Jane, référence en la matière. S'il faut 'monter sur un coup', autrement dit 'aller à la guerre', elles sont au rendez-vous là où nombre d'hommes se défileraient."

Chap. 7 : « Dealeuses en tous genres » :
"Le trafic de drogue est l'activité la plus lucrative de la voyoucratie contemporaine. Une activité dans laquelle le sens du commerce, la ruse, la filouterie comptent tout autant que le force physique, nécessaire pour faire face à toutes les embrouilles. Les femmes ont d'abord servi de petites mains, de nourrices, de passeuses, mais certaines ont imposé leur style au sommet du trafic."

Chap. 8 : « 'Marlouses', maquerelles et michetonneuses » :
"Dans l'histoire du milieu, le domaine de la prostitution est celui qui a vu le plus de femmes occuper les premiers rôles. Elles sont passées au premier plan quand les hommes, lourdement frappés par les tribunaux lorsqu'ils étaient accusés de vivre des revenus de la prostitution, ont opté pour une forme de repli stratégique. La figure de la mère maquerelle s'est peu à peu imposée, elle est même devenue universelle."

Chap. 9 : « Grandes et petites voleuses » :
"Le vol est un art qui consiste d'abord, au-delà de l'adresse, à passer inaperçu. Quelques pickpockets sont entrés dans la légende du crime, mais les femmes (pour beaucoup d'entre elles venues des pays de l'Est) ont aujourd'hui massivement investi ce secteur lucratif. Rarement autonomes, elles appartiennent à des réseaux qui planifient le cambriolage comme une activité industrielle."

Chap. 10 : « Escrocs et blanchisseuses » :
"La finance et le blanchiment sont les mamelles du crime organisé : rien ne sert d'accumuler si l'on ne sait pas recycler. Depuis toujours, des femmes s'illustrent dans le maniement des espèces. Un certain nombre d'entre elles sont également entrées dans le Top 50 des escrocs, activité criminelle qui demande de la patience, une force de conviction, mais aussi beaucoup de charme et de bagout."

Chap. 11 : « Je t'aime, tu t'évades » :
"C'est un classique du cinéma. C'est là qu'on attend les femmes : éprises de leur voyou adoré, elles prennent tous les risques pour aller l'arracher aux murs de la prison. Elles sont dans leur rôle, si l'on peut dire, un rôle où le sens du sacrifice n'a d'égal que l'abnégation, pas vraiment un domaine où l'on attend les voyous. Un rôle qui traverse les époques sans avoir pris une ride."

Chap. 12 : « Frangines, copines et petites mains » :
"Dans ce chapitre, plus question d'amour, mais de liens de sang et aussi d'amitié. Les voyous ont cette force d'attraction semblable à celle des aimants, cette capacité de séduire qui fait fondre les cœurs. Les sœurs sont en première ligne, aspirées aveuglément dans le sillage du frangin qui s'est affranchi de la loi, elles ne peuvent rien lui refuser. Elles rendent service, puis basculent, à l'instar de ces bonnes copines qui oublient les précautions les plus élémentaires pour les beaux yeux d'un caïd, sans oublier celles qui plongent sans même s'en rendre compte. Certes, elles n'occupent pas ici les premiers rôles, mais, sans elles, le crime serait moins parfait."

Chap. 13 : « Épouses et concubines » :
"Comment rester les deux pieds du bon côté de la ligne blanche quand on est l'épouse ou la compagne d'un bandit de grand chemin ? Un jour ou l'autre, on devra cacher une arme, aider à compter un sac de billets, voire, pire, assister à une scène à laquelle on aurait aimé ne pas être conviée..."

Chap. 14 : « Le banditisme au féminin vu par les avocat(e)s » :
"Des prisons jusqu'aux tribunaux, les avocat(e)s sont aux premières loges du crime. Nous avons demandé à douze d'entre eux (elles) d'évoquer les relations qu'ils (elles) entretiennent avec ces clientes poursuivies pour des délits ou des crimes de droit commun. Nous leur avons aussi demandé si, à leur avis, les femmes jouissaient, de la part des magistrats, d'un traitement particulier, en clair si elles étaient moins ou plus sanctionnées que leurs collègues masculins."



Cit. :


1. « Elle négocie très sérieusement avec Sophia, une autre Mama installée en Normandie, l'achat d'emplacements de prostitution, une "négo" qui permet à une certaine Rita de s'implanter près du métro Boulingrin... après qu'Esther s'est acquittée de la modique somme de 2.500 euros. Elles ont visiblement du monde à placer, au point que l'on entend Esther appeler une Mama établie en Norvège, qui disposerait de quelques emplacements disponibles. Et ce n'est qu'un début, car de nouvelles recrues attendent un feu vert entre les mains des passeurs, au Nigeria, dont les plus jeunes ont tout juste 15 ans. Toutes sont bien évidemment passées avec succès par la case "joujou" : une cérémonie religieuse proche de l'envoûtement destinée à les transformer en créatures définitivement soumises. Une séquence où la magie se mêle à la morale. Elles s'engagent alors à obéir au passeur, puis à la Mama à laquelle elles seront confiées, sous peine de lourdes mesures de rétorsion contre leur famille. Pas de "joujou", pas de prostitution. » (pp. 227-228)

2. « "Pour la population française, qui met tous les Roms dans le même sac, nous sommes des voleurs de poules, mais c'est plus compliqué que ça, poursuit cette femme née en région parisienne. Chez nous, Roms de Serbie, les filles ont un statut à part. Elles sont un peu comme une maison ou une voiture. Les parents les retirent de l'école vers 10-11 ans pour être sûrs qu'elles ne fréquentent pas de garçons et restent vierges jusqu'au jour où ils les vendront à la famille qui proposera la meilleure dot. Le prix dépendra de la qualité : si elle est vierge et si elle vole bien, il pourra monter jusqu'à 200.000 euros, en cash et en petites coupures. Une mineure est rentable à 300%, dans la mesure où elle est relâchée après quarante-huit heures en cas d'arrestation. Pour une majeure qui ne serait plus vierge, le prix chute. Un de mes oncles est allé chercher l'autre jour une fille en Allemagne. Comme elle avait déjà 19 ans, il l'a eue pour 120.000 euros. C'était une fille 'd'occasion', comme on dit chez nous..."
On ne s'improvise pas voleuse. Les filles apprennent sur le terrain auprès de leur mère, qu'elles accompagnent sur les marchés dès l'âge de 7 ans. Elles leur transmettent l'art de faire les poches comme un artisan transmet son savoir à un élève, en espérant bien se faire rembourser cette formation sur le marché communautaire. […] Ces mères de famille ont un défi à relever : rendre leur petite aussi efficace que possible, faire en sorte qu'elle ait vraiment la "main", non sans oublier de lui inculquer les bases de la vie de famille, ménage et cuisine. Lui apprendre à voler de ses propres ailes, si l'on peut dire. » (pp. 236-237)

3. [Maître Nathalie Grard:] « Ces femmes sont rarement plaintives. Elles sont dignes et assument tout, c'est sûrement pour ça qu'elles m'émeuvent parfois. Le souci, dans l'exercice du métier de pénaliste, c'est de se faire payer, mais cela reste plus simple avec les femmes qu'avec les hommes.
[…] Il y a une forme d'immunité familiale en droit pénal qui voudrait qu'on ne soit pas placée en garde à vue sous le seul prétexte qu'on vivrait avec un voyou, mais la police utilise les femmes de plus en plus facilement. Elle les place en garde à vue, voire plus. Ils arrêtent la maîtresse pour faire pression et priver les hommes d'une partie de leur logistique. Cela ne fonctionne pas avec celles qui sont prêtes à faire de la prison pour protéger leur mec.
Les belles femmes sont moins pardonnées par les magistrats, surtout quand le tribunal est composé de grandes bourgeoises sans aucune connaissance du terrain. Si la prévenue est amoureuse et qu'elle accepte qu'on le dise, cela peut aider à défendre leur cause, mais les vraies délinquantes restent parfois, pour l'avocat, inexplicables. Certaines sont devenues voyous pour ne pas rester femme de voyou. Pour échapper à l'emprise de leur mec, elles ont fini par le copier... » (p. 340)

4. [Maître Catherine Glon:] « Au niveau de l'enquête policière, j'ai souvent remarqué une certaine bienveillance vis-à-vis des femmes. Les policiers vont automatiquement chercher à voir sous l'emprise de qui elle a agi et pister un homme plutôt qu'une femme, parce qu'une femme sous l'emprise d'une femme, c'est inacceptable aux yeux de notre monde occidental. Une femme qui rend esclave une autre femme, ce n'est pas admis. En revanche, dès qu'il y a crime, la femme est facilement considérée comme plus intelligente que l'homme. Il y a un regard discriminatoire sur la délinquance féminine.
[…] Les femmes ont davantage l'habitude d'être jugées. De la taille de leurs fesses à leurs performances, en passant par leur façon de bouger, elles sont jugées à tous les instants. […] Alors, devant la justice, elles n'attendent pas d'indulgence, ni de leurs défenseurs, ni de leurs juges. Elles ont plus l'habitude de se justifier, d'être observées. Avec un homme, on va incarner, nous, avocates, la mère, la femme, l'amante ; cette demande maternante n'existera pas chez une femme. Elle peut dire : "Aidez-moi", mais elle ne va pas dire : "Protégez-moi".
Les femmes ne comprennent pas qu'on ne les comprenne pas. Les juges, le personnel pénitentiaire, tout le monde est pétri de morale. Dès lors qu'il s'agit de femmes, tout est baigné de notre morale judéo-chrétienne. Dans les prisons pour femmes, il y a un jardin, des roses, des ateliers, mais tout ça pousse les femmes à régresser. » (pp. 342-343)

5. [Maître Denis Fayolle:] « Je distinguerais trois profils récurrents. Le premier, c'est celui de la bourgeoise fascinée par les bad boys et qui se retrouve en train de jouer les 'ouvreuses' dans une bijouterie pour ses copains braqueurs. Elle sera renvoyée devant les assises, mais ne fera que quelques mois de prison.
Le deuxième, c'est celui de la dealeuse d'une vingtaine d'années qui joue la dure devant le juge d'instruction, ne reconnaît rien et vit sa détention comme un homme, sans jamais se plaindre, mais en collectionnant les incidents avec l'administration pénitentiaire. Le jour de l'audience, survêtement sur le dos et Nike aux pieds, elle est difficile à canaliser et continue à jouer les rebelles, au risque de prendre deux ou trois ans ferme.
Le troisième profil, c'est la vraie 'voyoute' comme on en croise à Marseille ; elle arrive devant le tribunal avec les félicitations de l'administration pénitentiaire, écoute les conseils de son avocat, joue volontiers celle qui a été dépassée par les événements, peut même se montrer drôle et chaleureuse derrière ce mélange de séduction et de violence que l'on retrouve chez les figures masculines du banditisme. » (p. 351)

6. [Maître William Pineau:] « En prison, j'ai surtout rencontré des filles en perdition, embarquées dans une délinquance de survie sur fond d'intolérance à la frustration ; certaines n'en sortent que le jour où elles se rangent et font des enfants. J'ai rencontré des femmes en proie aux stupéfiants, dans une logique de revente ou instrumentalisées par des hommes. […] Pas vraiment professionnelles, elles étaient toutes isolées, pas soutenues et plutôt résignées.
Il y a la catégorie des Mamas africaines ; convaincues du fait qu'il arrivera du mal à leur famille si elles ne respectent pas les injonctions, elles expliquent toutes qu'elles sont en proie à des rituels magiques. Elles doivent racheter leur liberté, avant de devenir elles-mêmes des semi-proxénètes.
Il y a aussi ce profil, plus rare, de la fêtarde qui se transforme en vendeuse de cocaïne et profite de tous ses contacts dans la nuit pour s'enrichir.
Il y a encore ces femmes qui piquent dans la caisse en se disant qu'elles rembourseront, qui s'effondrent lorsqu'elles sont confondues.
Il y a enfin le crime de sang, quand madame sort le couteau au sein du couple, telle cette veuve noire, condamnée à deux reprises – et on ne compte par les ratages – aussi hystérique que glaciale. » (pp. 352-353)

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