Du blanc à sonder.
Dans son journal de voyage à ski sur l'arc alpin, de Menton à Trieste, par les corniches et les dévalées, entre 2018 et 2021, Sylvain Tesson répète à l'envi son mantra du Blanc et nuance une expédition ritualisée qui se reformule chaque jour. Voguant avec le grimpeur Daniel du Lac et un skieur solitaire opportunément rencontré en chemin, Philippe Rémoville, le trio évolue dans une montagne ludique et piégeuse, âpre et enchantée. À l'effort tenu au-dessus des abîmes, à la volonté arquée de crêtes en cols, les skieurs ont tendu le fil éphémère de leurs traces et ils sinuent, slaloment, swinguent leur vie dans le vent et le blanc. Les broches, les piolets, les cordes et les crampons en acier rappellent au lecteur que l'aventure frôle les extrêmes quand les ponts de neige, les avalanches et les crevasses menacent ruine. La traversée alpine par les hauteurs est réservée aux initiés. le guide de haute montagne Daniel du Lac est l'homme de toutes les situations. L'écriture distanciée, au passé simple, à l'imparfait et parfois au subjonctif rend compte après coup des péripéties et des émerveillements. Les descentes en rappel, les chutes sur la glace font frémir d'autant plus quand on a déjà soi-même tâté le terrain. La parole du trio est retranscrite à l'étape de manière drôle, le caractère de chacun se révélant à travers un laconisme de bon aloi. Les jours s'égrènent avec la dénivelée et l'étape. Le talent de Sylvain Tesson tient à la forme concise de son écriture qui tisse le même ouvrage avec quelques variations qui en font tout le charme. Après l'attente et le pistage de la panthère des neiges, la longue traversée des Alpes exige de même concentration et patience auxquelles s'adjoint le mouvement où gîte la vie. Styliste de l'épure, l'écrivain voit naturellement sa production littéraire s'amincir à mesure que le temps raffine sa prose, séparant le bond vain du livre vrai.
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