Cette bédé relate l'histoire vraie de la dysphorie de genre de Lila et de sa transition FtM vers Nathan. La narration s'étend du début de la puberté de Lila, âgée de 12 ans, jusqu'à l'obtention du baccalauréat de Nathan, lorsque sa réassignation est désormais ratifiée par l'Administration, sa mastectomie effectuée et sa thérapie hormonale suffisamment avancée pour que son apparence ait radicalement changé. Présentant un.e protagoniste qui s'est toujours senti.e garçon et qui éprouve de la haine pour son corps à partir du développement de ses seins, la majeure partie du récit se concentre sur la période qui précède sa transition, caractérisée par la tentative de conceptualiser, d'accepter et faire accepter à son entourage son statut de transgenre, dans le contexte douloureux et conflictuel de l'adolescence. Dans ce processus accompagné d'un fort désarroi intérieur qui est très bien rendu par certains événements-clés, l'on trouve néanmoins un environnement généralement bienveillant et soutenant, d'où l'homophobie est pratiquement absente, notamment de la part des adultes : parents aimants, enseignants compréhensifs, psychanalyste professionnel, petit frère complice, camarades dévoués, et d'abord la présence affecteuse-amoureuse de la meilleure amie Faustine, qui font de la problématique existentielle de Lila-Nathan une souffrance entièrement privée. Même le milieu des camarades d'école et des pairs est décrit comme si la transidentité était désormais un phénomène absolument accepté et entré dans les mœurs, ne provoquant au plus que quelques interrogations et jalousies au niveau du déroulement de la sexualité, par ailleurs épanouie, précoce, « déproblématisée ». Si une petite allusion à la difficulté d'acceptation qu'a le père de Lila-Nathan vis-à-vis de ses camarades de foot, et si Théo, son frère cadet, est prêt à se battre en réponse à une provocation de quelques caïds, aucune tension familiale n'est mise en avant dans ce cadre social qui semble être parisien et favorisé. Cette intériorisation de la problématique, ainsi que son idéalisation très optimiste sont peut-être un parti pris idéologique de l'autrice et/ou du/de la protagoniste, ou bien répondent-elles à un dessein de pédagogie qui refuse la victimisation mais ne correspond pas à la majorité des récits sur le sujet, même récents. Hormis ce défaut, j'ai beaucoup apprécié la progression rapide et légère de la narration, la justesse des dialogues et l'efficacité graphique.
Cit. :
1. « [Max par SMS :] - C'est chelou ton plan avec Clara. Tu savais que j'voulais la choper.
[Lila-Nathan :] – J'y peux rien si on se kiffe, on n'a pas décidé ça s'est fait comme ça.
- Arrête de jouer sur tous les tableaux, MERDE ! T'es une meuf, sors avec des mecs. Si t'es gouine, sors avec des gouines. C'est pas une coiffeuse de chattes Clara ! Bouffeuse*.
- Moi non plus Max, tu le sais. Et parle pas comme ça des homos, t'es trop beauf gros. Ça te posait pas de problèmes avec Faustine, tu t'en foutais.
- Tu fais chier avec ton entre-deux. Soit t'es un mec, soit t'es une meuf, t'es pas les 2 Lila !
- TU SAIS BIEN PUTAIN ! J'suis pas une fille, j'suis pas lesbienne ! Et je m'appelle pas Lila ! J'veux que vous m'appeliez Nathan. » (p. 99)
2. « [Malik:] - En vrai, c'est pas un problème avec les meufs ? Le sexe, j'veux dire.
[Nathan:] - On m'a dit que c'était mieux avec moi, parce que je fais gaffe aux meufs.
[Faustine:] - De ouf ! La plupart des mecs, ils pensent qu'à leur bite.
[Malik:] - Ouais, les meufs elles veulent des préliminaires.
[Nathan:] - Ça existe pas les préliminaires. Les caresses et tout, c'est du sexe, pareil.
[Faustine:] - P't-être parce qu'on t'a élevé comme une fille. T'es moins macho du coup.
[Nathan:] - Haha ! Peut-être.
[Faustine:] - T'es un mec... en moins con ! Haha !
[Malik:] - Mais tu te sentirais pas mieux avec une bite ?
[Nathan:] - Franchement... je sais pas. Moi, j'ai une chatte de mec. Et une bite dans la tête. » (pp. 137-138)
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