Le sac ensorcelé.
Dans la grisaille des rues bondées et affairées, un sac rouge abandonné attire l’attention de Béatrice, jeune et modeste employée d’un grand magasin. A passer et repasser devant l’objet tentateur qui semble demeurer invisible à tous les autres passants, Béatrice s’en empare enfin et découvre un album photographique qui immédiatement l’inspire et l’absorbe. Le jeune couple qui prend la pose cinquante ans auparavant, au temps des Années Folles, l’entraîne dans une déambulation urbaine à la recherche des lieux identifiés sur les clichés. Un ticket d’entrée glissé derrière la photographie d’une patinoire située 6 rue des Lilas l’invite à franchir le pas mais le bâtiment est en démolition, tout comme le cinéma Métropole évanoui. Seul le vieux café Faust brûle encore d’un feu intérieur réconfortant. Béatrice passe le seuil et les enchantements viennent à elle.
Bande dessinée sans parole comme au temps du cinéma muet, « Béatrice » est une œuvre de maturité conçue par un auteur inspiré et pourtant novice en la matière. Première bédé de Joris Mertens et coup de maître, l’histoire référencée est riche de sens et le graphisme parfaitement adapté pour sublimer les fragrances mélancoliques d’un temps révolu. Dans un récit récursif ouvrant habilement sur l’infini par un jeu d’emboîtement des récits et d’effacement de la couleur, la chute n’en conserve pas moins toute sa charge émotionnelle. Partant d’un vieil album photo oublié, Joris Mertens compose une petite musique de chambre entêtante où le lecteur est reçu comme un proche, avec bien des égards.
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