La mémoire augmentée.
Dans un roman graphique et autobiographique éblouissant, David Sala évoque la mémoire familiale et notamment le souvenir de ses grands-pères. Alité, Antonio Soto de Torrado refuse de mourir avant Franco. L’œuvre de David Sala déroule le passé à partir de la fuite d’Espagne du grand-père maternel, condamné à mort par le régime fasciste pour son implication dans le front républicain. Engagé ensuite dans l’armée française, capturé à Dunkerque, emprisonné pendant quatre ans dans le camp de concentration de Mauthausen, il n’abdique jamais. A l’hôpital qu’il va bientôt quitter car la médecine ne peut plus rien faire pour lui, en tête-à-tête avec son petit-fils, il lui donne tous les gâteaux accumulés dans un tiroir provenant de ses plateaux repas alors que David lui prête ses jumelles. En confrontant la fuite onirique d’Antonio sur un cheval volant dans le bleu de la nuit étoilée à la froideur verte et grise de l’hôpital, le dessinateur ajoute un supplément d’âme à ses personnages et une charge émotionnelle contenue. Les planches dessinées évoquent davantage la peinture et sa puissance picturale. On peut penser à Klimt, Chagall, Edward Hopper, Daumier par exemple. La couleur acquiert une force déflagrante avec sa charge plastique comme lorsque le rose et le jaune orangé baignent les exécutions sommaires mises en scène par les nazis dans les camps. Josep Sala, grand-père paternel, est aussi un Espagnol réfugié en France, engagé dans le maquis. Le déroulement de son histoire mouvementée ne peut laisser non plus indifférent. David Sala grandit, devient étudiant sans le sou à l’école d’art Emile Cohl puis adulte, illustrateur, artiste. Il vieillit à son tour et, face à ses deux jeunes enfants, Paul et Tara, il entreprendra peut-être de leur raconter l’histoire de leurs arrières grands-parents et la sienne dans un continuum que l’imaginaire comblera et où chacun pourra s’y retrouver.
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