[Les 5 blessures qui empêchent d'être soi-même | Lise Bourbeau]
Il est opportun, d'emblée, d'opérer un affinage de tout ce qui, dans ce livre et sans doute plus généralement dans une partie du « développement personnel », relève de notre mythologie contemporaine : la croyance en la métempsychose (avec choix des parents auprès desquels l'on se réincarnerait), en une certaine téléologie des existences afin de se guérir des blessures de l'âme, et enfin en un « DIEU » individuel et personnel voire égotique, version omnisciente, omnipotente et peut-être éternelle du Moi. Mircea Eliade sourirait sans doute de cet essor mythologique occidental venu d'ailleurs et né de toutes sortes de syncrétismes politico-religieux. L'autre apport archétypal, qu'il me semble possible de faire remonter à le théorie hippocratique des humeurs, consiste à identifier une typologie physique, psychique – et physiologique – des personnes répartie en 5 groupes (des croquis de « physiques » féminins et masculins en lingerie – puritanisme anglo-saxon oblige... – apparaissent au début de chaque chapitre concerné), à y associer une série de comportements typiques, de goûts et de peurs, et même de tics langagiers, ainsi que des pathologies fréquentes. Ce qui est moderne, par contre, est vaguement psychanalytique, c'est d'identifier ces groupes non selon selon les 4 éléments mais d'après 5 traumas, chaque « blessure » étant (ré-)activée depuis la petite enfance par l'un des parents, et d'y associer un antidote comportemental appelé un « masque ». La guérison consiste alors à reconnaître que ce masque n'est pas le propre Moi, mais un instrument qui devient un carcan qu'il est bon d'abord d'accepter puis de supprimer. À chaque blessure son masque : le Rejet – masque « Fuyant » ; l'Abandon – masque « Dépendant » ; l'Humiliation – masque « Masochiste » ; la Trahison – masque « Contrôlant » ; l'Injustice – masque « Rigide ». Les guillemets s'imposent car le nom de ces masques ne correspond pas à sa signification usuelle ni psychanalytique.
Afin d'éviter la caricature de l'idéal-type, l'auteure précise que chacun peut souffrir de plusieurs blessures, parfois allant de pair ou avec une principale et une secondaire, et donc développer et utiliser, selon les circonstances et avec des fréquences proportionnelles à la gravité du trouble, tel ou tel autre masque. Ainsi, le corps peut révéler, successivement ou en même temps, les traits physiques de plusieurs types de blessures, et l'individu adopter les comportements typiques de plusieurs masques, le cas échéant.
Naturellement, le lecteur, tutoyé dans ce livre dont le style peut surprendre aussi pour l'usage du français nord-américain, est convié à se reconnaître dans l'un ou plusieurs types, avec ses caractéristiques et ses masques, ou à défaut à reconnaître ses proches, en particulier le parent de son sexe ou du sexe opposé dont ses propres blessures sont supposées être issues.
La capacité d'identification et la pertinence de la catégorisation sont question de corrélation statistique – et nous devons nous en fier à l'expérience clinique de l'auteure – corrélation qui constitue à l'évidence le principe même du profilage des personnes, ainsi que d'acceptation de ses propres fragilités. Si la corrélation n'est pas assez forte ou évidente, on court le risque de se trouver affligé par la plupart des blessures et donc de verser dans l'hypocondrie, ou inversement de ne s'y retrouver dans aucune et donc de discréditer la théorie tout entière. Les positions intermédiaires favorisent le petit jeu amusant d'essayer de catégoriser les intimes et les simples connaissances selon des caractères pas très flatteurs, qui ont vocation à nous valoriser par contraste ; par contre, je doute fortement des vertus thérapeutiques d'une soudaine prise de conscience que l'on appartiendrait à l'un des cinq types, dont pourrait survenir un changement personnel conséquent.
Tous les attributs para-textuels du livre : la couverture, la typographie, le style répétitif et schématique, les encadrés et les petits dessins, mais aussi les propos consolants et optimistes de rigueur, doivent être considérés comme propres au genre et donc jugés avec indulgence.
Cit. :
1. « Voilà pourquoi il est important de te souvenir que ce n'est pas ce que tu vis qui te fait souffrir, mais bien ta réaction à ce que tu vis à cause de tes blessures non guéries. » (p. 107)
2. « Nous avons vu […] que le "dépendant" s'occupe des autres pour s'assurer leur support et soutien et que le "masochiste" agit ainsi pour être une bonne personne et pour ne faire honte à personne. Le "contrôlant", pour sa part, s'occupe des affaires des autres pour ne pas souffrir de trahison ou pour s'assurer que les autres répondront à ses attentes. Si tu te vois comme étant le genre de personne qui se croit responsable d'arranger la vie de tous ceux que tu aimes, je te suggère de bien examiner ta motivation. » (p. 139)
3. « La véritable raison pour laquelle nous naissons dans une famille ou que nous sommes attirés par des personnes qui ont les mêmes blessures que nous, c'est qu'au début, nous aimons le fait que les autres soient comme nous. Nous arrivons à ne pas nous trouver si pires que cela. Après quelque temps, nous commençons à trouver des défauts aux autres, nous ne les acceptons plus comme ils sont. Nous cherchons donc à les changer, ne réalisant pas que ce que nous n'acceptons pas chez les autres sont les parties de nous que nous ne voulons pas voir, par peur d'avoir à changer. Nous croyons que nous devons changer quand, en réalité, nous devons guérir. Voilà pourquoi connaître nos blessures est si bénéfique, car cela nous permet de guérir plutôt que de vouloir nous changer. » (p. 207)
4. « L'humain croit en la punition comme moyen pour expier sa culpabilité. En réalité, la loi spirituelle de l'amour affirme tout le contraire. Plus nous nous croyons coupables, plus nous nous punissons et plus nous nous attirons le même genre de situation. Ceci revient à dire que plus nous nous accusons, plus nous revivons les mêmes problèmes. Se sentir ainsi coupable rend difficile le pardon de soi, une étape importante vers la guérison. » (p. 215)
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