L'hypnose qui soigne, Jean-Marc Benhaiem, ISBN 978-2843192241, 3*, terminé le 9/07.
Cet ouvrage, signé par le fondateur du diplôme universitaire d'hypnose médicale à la Pitié Salpêtrière, constitue un effort remarquable de vulgarisation de la thérapeutique par l'hypnose destiné à un public de débutants. Nourri abondamment d'expérience clinique (les cas étant encadrés ou isolés par une typographie toujours claire, très aérée, extrêmement lisible), sa spécificité la plus évidente est la grand part consacrée aux « Applications thérapeutiques » (Partie 3), qui s'étend sur environ 150 p. (133-285) et se conjugue en vingt-sept types de pathologies, des « addictions » aux « traumatismes et victimologie », avec pour chacune des indications statistiques sur le taux de succès, des conseils sur les techniques, des cas cliniques, etc., mais aussi, parfois, certains « recadrages » de ces pathologies selon l'optique d'un hypnothérapeute, lesquels peuvent déjà donner des idées concernant la manière dont la thérapie peut être envisagée – par ex. en ce qui concerne les troubles du comportement alimentaire ou ceux de la sexualité.
Pour le reste, la première partie : « L'hypnose – qu'est-ce que c'est ? » comporte une très bonne mise en perspective historique, mais aussi des pages personnelles, je dirais presque conviviales, relatant « Ce qui m'a conduit à pratiquer », des recommandations : « Ne pas répercuter ses valeurs personnelles », et enfin, une très bonne synthèse de la pratique hypnotique sur plusieurs ch. (pp. 53-95) dont le premier s'intitule, fort modestement : « J'ai compris ce que devait être l'hypnose ».
La deuxième partie de l'ouvrage porte le titre : « Les techniques » (pp. 97-133). Mis à part l'invention de l'auteur qu'il appelle « l'électrohypnose » et à laquelle il ne consacre qu'un petit paragraphe, les autres techniques sont assez connues ; l'autohypnose est dénommée « l'intermède hypnose », et le lecteur un peu informé y découvrira surtout la centralité du paradoxe dans l'hypnothérapie, au-delà même des contributions de la « communication paradoxale » de l'école de Palo Alto avec Watzlawick etc.
Après la troisième partie que j'ai évoquée, il est intéressant de lire une partie 4 : « Ce que l'hypnose n'est pas », le titre des ch. concernés comportant parfois un point d'interrogation troublant. Donc l'hypnose n'est pas : un moyen de vous rendre extra-lucide ; elle n'est pas le sommeil ; ni le somnambulisme ; ni une forme de rêve. Par contre : « l'hypnose n'est pas le magnétisme ? » ; elle « n'est pas un phénomène magique ? » ; « la sophrologie est-elle l'hypnose ? ». Le chapitre se termine par dix définitions succinctes qui se recoupent et ne s'opposent pas, dont, va savoir pourquoi (!), j'apprécie particulièrement l'une des plus anciennes, celle de Hegel (in : Phénoménologie de l'esprit III) : « L'état "magnétique" provient d'une rupture entre "la conscience d'entendement" et "la vie naturelle sentante". » (p. 320). Par ailleurs, j'ai eu le plaisir de reconnaître les 9 autres définitions et d'avoir lu un peu de chacun de leurs auteurs.
Enfin, « En guise de conclusion », il est question de « l'hypnose animale », de la peur de l'hypnose et de quelques renseignements pratiques.
Cit. :
« Le savoir de l'action est un non-savoir, au sens où il n'y a pas de regard sur lui pouvant l'identifier comme un savoir, c'est un savoir dénoué d'intention et de volonté. Le savoir de l'action n'est plus une connaissance intellectuelle, il est devenu un mouvement naturel du corps.
Le paradoxe active la démarche thérapeutique, mais il est aussi présent dans la genèse des pathologies. "Je veux absolument dormir" alors que le sommeil ne dépend pas de la volonté. La thérapie propose de l'empêcher de vouloir dormir. "Je veux contrôler ma peur" provoque une augmentation de la peur puisque la peur provient d'un excès de contrôle qui échoue mais qui persiste.
La souffrance de certains patients provient de la difficulté à sortir de ces paradoxes. » (p. 129)
« L'acte sexuel amoureux est une magnifique séance d'hypnose. Le désir focalise l'attention ; l'imagination oriente les sens et bouleverse le corps ; la perception se rétrécit e amenuisant la pensée, la raison, la notion du temps ; tous les gestes exacerbent le jeu amoureux ; la personne est totalement absorbée dans cette expérience. Puis le paroxysme provoque le plaisir et suit une phase d'ouverture et de bien-être qui apaise les partenaires (dans le meilleur des cas). » (p. 273)
« La pratique de l'hypnose a besoin d'un rituel pour fonctionner. Le soin a besoin d'une mise en scène, d'un cadre adapté à son époque, pour atteindre son but. Cette mise en scène est indissociable de l'acte thérapeutique qui ne peut opérer sans elle.
Lorsque le rituel du baquet a disparu avec son créateur, il fallait en inventer un autre qui soit compatible avec l'exigence scientifique de l'époque : le simulacre du sommeil. Faire "comme si" je dormais pour se réveiller un autre, transformé, différent. Le sommeil et ses mystères ont fini par être confondus avec l'hypnose alors qu'ils ne constituent que le cadre thérapeutique nécessaire au bon déroulement du soin.
Le simulacre du sommeil est le rituel à l'occidentale, pendant que d'autres régions du monde pratiquent le chamanisme, les transes, les danses, le passage d'épreuves initiatiques.
La référence au sommeil tend à disparaître au profit de pratiques de techniques de communication assorties de tâches et d'exercices comportementaux. Les nouveaux rituels qui accompagnent l'hypnose sont des artifices de langage, des procédés verbaux basés sur le paradoxe, la surprise, le recadrage. Tout l'héritage de l'école de Palo Alto et du savoir d'Erickson constitue la trame actuelle de la mise en scène de l'acte thérapeutique. » (pp. 296-297)
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