Parlez-moi d’amour.
« Redites-moi des choses tendres » comme au temps des Années folles (1920-1929) mais Lucienne Boyer n’a interprété la célèbre chanson qu’en 1930 alors qu’elle dormait dans des cartons depuis cinq années déjà, la chanson, pas Lucienne. Tout est question de tempo et Soluto sait cadencer ses phrases sans trop en faire. Ses jeux de mots ne sont pas gratuits et font mouche comme ces petits morceaux de taffetas faisaient briller la blancheur des visages au temps des galantes, une manière élégante d’accuser la superficie des noirceurs. Padam, padam ! Las, la tendresse s’en va toute seule. Eugène ressasse sa vie sentimentale dans un mail, modernité oblige mais le mal est intemporel et universel. Sa femme, Barbara, a le désir si corseté qu’il a fini par dessécher tous les élans, au creux des reins, au cœur de l’âme. C’est la vie évidée, évitée, éventée. Puis Eugène se prend à imaginer ce que serait la vie sans sa femme et c’est l’effroi dans le dos et en pleine face. Le doigt au-dessus de la souris, le clic en suspens, Eugène le velléitaire sent plus qu’il ne sait. Le message ne doit pas partir sinon ce sera la débandade psychologique et la misère sociale mais il ne faut pas jouer avec le feu et avec les actes manqués. Un clic et le message de rupture est envoyé. Barbara est en voyage d’étude en Allemagne avec sa classe. Ce papillon, petit feuillet imprimé, va-t-il déclencher dans son envol électronique vers la professeure vilipendée une réaction en chaîne chaotique ?
Soluto a plus d’un tour dans son sac à malice. Chaque chapitre va apporter son lot de surprise, de contrepied et de rebondissement. Eugène pérore comme une pécore. Il pourrait être blâmable ; il est pathétique. Il s’accroche et il invente sa vie à mesure qu’elle se dilate sans comprendre qu’elle porte en elle sa finitude et une folle capacité à se ratatiner. Il a des éclairs de lucidité mais sa tête est emplie de phrases creuses et d’emphase vaine. Une fois la lecture commencée, il est difficile de reposer le livre. Les 500 pages ne font pas obstacle. Le plaisir est intact de bout en bout. C’est une belle surprise.
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