Aux frontières du réel.
La petite cinquantaine atteinte, Victor Hugo se morfond d’autant plus en exil sur l’île anglo-normande de Jersey que depuis dix ans déjà il souffre de la perte de Léopoldine, sa fille chérie morte noyée dans une boucle de la Seine, à Villequier, en Normandie. Incapable de faire le deuil, après une séance de spiritisme pendant laquelle il a cru voir le fantôme de Léopoldine réclamer justice, Hugo décide de rentrer en France malgré les interdits politiques et de mener l’enquête, d’abord à Villequier, puis à Paris.
D’un grand format qui rend justice aux belles planches lumineuses de Laurent Paturaud, l’album redonne vie au grand poète français en centrant son intrigue sur la disparition de Léopoldine qui reste énigmatique. Esther Gil s’est évertuée à rendre plausible une histoire imaginaire en l’arquant sur une intrigue policière. Des références explicites aux Misérables parsèment le périple de Victor Hugo. L’œuvre du couple Gil et Paturaud est référencée (Friedrich et son Voyageur contemplant une mer de nuages en couverture, Millais et son Ophélie, etc.) et extrêmement documentée. Si la bande dessinée ressemble à une succession de tableaux du XIXe siècle, elle n’en respecte pas moins les codes narratifs du média. Une indéniable aura émane de l’ensemble. Les femmes et amantes du poète rayonnent de sensualité. Le cahier graphique et le carnet d’esquisses en fin d’album permettent d’apprécier encore davantage le sérieux de l’entreprise et la beauté du trait du dessinateur.
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