La lumière, la poussière.
Les trois épigraphes ouvrant le dernier recueil de Richard Rognet donnent superbement le ton et permettent d’entrer de plain-pied dans la rivière élégiaque, limpide et tourmentée du grand poète vosgien. Dans le paradis même qu’est la vie sur Terre, malgré les douleurs qui la taraudent, le réel s’étreint pour que la joie jaillisse et s’épanche comme : « un parfum de lilas écosse la soirée ». Bien qu’il faille se frotter aux aspérités hargneuses, subir la solitude ontologique, endosser la mort des proches, deviner sa fin prochaine, les frôlements insondables du monde sont des baumes puisés aux sources indicibles de la nature. Loin d’une pose quelconque, il n’y aurait que ses effleurements passagers, des caresses du regard pour se délester du poids de la mélancolie. Les poèmes, simples et déliés en apparence, s’enchâssent, exprimant les pulsations d’un mal-être que l’éclat d’une fleur ou le passage d’un oiseau pourraient apaiser. Dans l’avancée inexorable du temps imparti à chaque existence, le regret de n’avoir pas su vivre pleinement chaque instant sourd : « […] les plantes pourrissantes/qu’on arrache, avec un noir/pincement au cœur et le regret//d’avoir manqué quelque chose,/lorsqu’elles fleurissaient,/au fond du jardin, dans une exubérance/de parfums, de reflets, de couleurs/où semblait prendre racine/l’immensité du monde » mais Richard Rognet n’abdique pas, à l’instar du poète finlandais Pentti Holappa (1927-2017) cité en exergue : « Jamais, si la vie dépérit et avec elle toutes les choses, je ne me dirai que demain il sera trop tard » [La bannière jaune, 1988]. Si le lecteur voulait s’amuser, il pourrait lire à la suite les incipits des poèmes en fin de volume et découvrir un poème inédit, par exemple : « Les vanneaux tissent…/A la cime des branches…/La force du matin… »
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