La flamme du flemmard.
Dans son avant-propos, le philosophe incertain Frédéric Schiffter manifeste sa tristesse ontologique, son spleen viscéral dans un journal intime qui demeure le lieu de réunion privilégié avec lui-même. Il pourra ainsi répondre immédiatement à la demande d’un éditeur lui suggérant d’écrire sur « l’art de s’ennuyer à Biarritz » en lui proposant ses carnets des années 2015 et 2016 où les jours « se sont succédés entre flâneries, lectures, griffonnages et siestes ». En exergue, l’Ecclésiaste ouvre le bal : « Et tout cela pour rien ! ». L’auteur résume son sentiment général et introduit à propos son journal avec les attentats de Charlie-Hebdo en janvier 2015. Le lecteur sort du gnangnan, de la pensée molle et consensuelle et devine que les journalistes et dessinateurs de presse mécréants et blasphémateurs de Charlie, après avoir semé à tout vent, n’ont récolté qu’une tempête méritée aux yeux de l’orthodoxie religieuse. Frédéric Schiffter parle ensuite de massages, d’entrevues amicales et digresse sur ses lectures elles-mêmes nimbées de nostalgie à l’instar des dernières heures du peintre Kees Van Dongen narrées par François Bott, de la vindicte des gendelettres à propos de Houellebecq, du Manifeste incertain de Frédéric Pajak, son « frère en mélancolie », etc., bien des pistes ouvrant sur de belles escapades littéraires car Frédéric Schiffter à l’art d’exciter l’envie de lire en jetant des passerelles, haubannant des connivences avec son lectorat composé d’happy few. Le ton ne mollit pas jusqu’au point final. L’auteur a la gnaque comme disent les Gascons, un mordant étincelant, une pensée limpide, une expression stylée, de l’humour et de l’autodérision, plus globalement de la tenue et de l’élégance. On ne peut s’ennuyer avec l’esprit que l’auteur instille dans une œuvre brève et percutante, jamais vaine nonobstant une finitude qui gangrène tout.
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