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[Romain Gary s'en va en guerre | Laurent Seksik]
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andras




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Posté: Sam 03 Fév 2018 18:49
MessageSujet du message: [Romain Gary s'en va en guerre | Laurent Seksik]
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Sous ce titre quelque peu désinvolte, Laurent Seksik tente de relever un formidable défi : celui de reconstituer 24 heures de la vie de Romain Gary alors qu'il était enfant dans le ghetto de Wilno (aujourd'hui Vilnius), ville de Lituanie alors polonaise après avoir été russe. On est le 26 janvier 1925, quelques mois avant que Romain, de son vrai nom Roman Kacew, et sa maman Nina ne quittent Wilno pour Varsovie et enfin ne gagnent Nice, en France où ils s'installent en août 1928. Mais en ce début de 1925, ce voyage n'est encore qu'un fantasme dans l'esprit de Nina Kacew.

Romain Gary a brossé un portrait mémorable de sa mère dans son roman autobiographique "La promesse de l'aube". En revanche il a peu parlé de son père, laissant même entendre que celui-ci pourrait être l'acteur russe Ivan Mosjoukine, célèbre acteur du cinéma muet qui s'est exilé en France après la révolution russe et que Gary a pu croiser sur la promenade des Anglais ou apercevoir à la terrasse d'un palace niçois. Laurent Seksik fait revivre dans son roman la figure du vrai père de Romain, Arieh Kacew, à partir des rares informations dont on dispose sur lui. Il était fourreur et disposait d'un atelier dans le ghetto. Bien que juif pratiquant, il avait bravé la réprobation de son entourage pour épouser Nina, une femme fantasque, divorcée et mère d'un enfant, Joseph. Au moment du récit, il avait quitté le foyer pour vivre avec une jeune femme, Frida Bojarska, avec qui aura deux enfants, Valentine et Pavel. En janvier 1925, Frida est enceinte de Valentine.

Si Arieh est en train de se construire une nouvelle vie, Nina, elle, est dans une situation dramatique. Roman et elle vivent seuls dans leur petit appartement presque vide car, après la faillite de sa boutique de modiste, Nina est complètement désargentée. Elle en est réduite à vendre ses chers livres de littérature française qui sont pour elle la preuve tangible de la grandeur de la France. Elle est encore sous le choc du décès récent de son fils aîné, Joseph, le demi-frère de Roman. Elle reporte tous ses espoirs sur son fils Roman, à qui elle promet un avenir radieux, pour peu qu'ils parviennent à s'installer un jour en France.

Laurent Siksik raconte ces vingt-quatre heures avec ces trois personnages Roman, Nina, Arieh, en choisissant tantôt le point de vue de l'un, tantôt celui de l'autre. Il nous raconte aussi par petite touches ce qu'ont vécu ces juifs de Pologne pendant ces années où leurs maîtres étaient tantôt russes, tantôt polonais et tantôt allemands. On découvre ce ghetto de Vilnius, qui était appelé à cette époque "la Jérusalem de Lituanie".

J'ai beaucoup aimé à la fois la simplicité du récit et la multiplicité des détails qui le rend plausible, comme si nous marchions avec Roman ou Nina dans les rues de Vilnius. Tout le contexte historique est très bien restitué. Le "futur" du jeune Roman n'est évoqué que dans un épilogue, très émouvant, que je ne dévoilerai pas ici. Si j'ai une petite réserve concernant ce livre, elle porte sur le portrait d'Arieh, le père de Roman, qui m'a semblé soulever davantage de questions qu'il ne fournit de réponses. Arieh est décrit comme une personne respectable, travailleuse, un membre important de sa communauté (un "Cohen"). Il se montre un père attentif à sa progéniture. Avec un tel père, pourquoi Gary l'aurait-il renié et cherché une autre figure paternelle en la personne d'Ivan Mosjoukine ? Ce livre me laisse avec cette interrogation. Mais le roman de Laurent Seksik reste pour moi une vraie réussite et je le recommande chaudement.

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Swann




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Posté: Dim 04 Fév 2018 9:05
MessageSujet du message:
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Je me méfie un peu de Laurent Seksik depuis que j'ai lu sa biographie de Zweig. Je ne suis, du coup, pas étonnée qu'il t'ait amené à croire qu'Arieh ait pu être "renié" par Romain Gary au profit de Mosjoukine. Il me semble que tu as lu la biographie d'Anissimov et qu'au contraire, Gary aurait déclaré en substance qu'il s'en tenait à ce qu'il y avait d'écrit sur son livret de famille et qu'il était hors de question qu'il renie cet homme qui était mort de peur sur le chemin de la chambre à gaz. La nuance, c'est qu'il ne s'est pas interdit des doutes, notamment à cause de la ressemblance qu'il avait au niveau des yeux avec Mossjoukine. C'est compréhensible.
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