Intime conviction
Martial Kermeur, ouvrier débauché, s’est fait gruger par Antoine Lazenec, promoteur véreux des années fric. Bonimenteur patenté du néolibéralisme, Lazenec fait miroiter un projet de complexe immobilier sur une presqu’île bretonne, un miroir aux alouettes destiné à plumer les laissés-pour-compte de la mondialisation tels les ouvriers spécialisés de l’Arsenal mis au chômage ou en pré-retraite et disposant encore de leurs primes de licenciement mais la poudre de perlimpinpin distribué généreusement ne peut cautériser les plaies existentielles et les fêlures de l’âme. L’honnêteté chevillée au corps, Kermeur va réagir à sa façon à l’arnaque et après-coup dévider le fil des événements face au juge.
Simple et sans esbroufe, le cours roman du Brestois Tanguy Viel met sur la toile cirée de la justice, exposant aux regards d’autrui, les faits et gestes de Kermeur menant jusqu’à l’exécution sans sommation d’un bourreau ordinaire, policé et sans scrupule. Le phrasé de Kermeur suit les méandres de sa mémoire et déroule une pensée qui s’échafaude et se précise à mesure. Le juge intervient peu, relançant le monologue par de simples questions visant à éclaircir le propos. Peu à peu, la malversation prend corps, s’enracine dans le vécu de l’homme spolié et déploie ses multiples effets collatéraux dans la boue des turpitudes humaines. La puissance de feu du roman est déflagrante. Le lecteur médusé assiste à l’enlisement d’un homme intègre enferré dans ses contradictions et dépassé par un affairisme carnassier. Finalement, en confrontant un texte de loi à une écriture expurgée, l’auteur propulse son roman dans une dimension atemporelle et universelle. En replaçant l’homme au cœur d’un système de hold-up généralisé, Tanguy Viel dénonce indirectement mais efficacement la mainmise d’une machinerie aveugle, agissant en toute impunité et concassant sans état d’âme les vies de chacun.
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