« Nuit de la nuit perdue ».
Pour l’amitié éventrée, l’amour défunt et la vie brûlée, Ugo revient sur Marseille après vingt années de bourlingage, bien décidé à venger son ami Manu assassiné. S’adressant à Battisti, un mafieux apparemment rangé depuis des lustres, pour se rencarder sur la mort de Manu, Ugo part faire justice lui-même, la rage au cœur, le dégoût aux lèvres. En dessoudant Zucca, un ponte de la pègre marseillaise, Ugo se condamne et déclenche une cascade de sang et de larmes à travers des règlements de comptes en cascade. Pour Fabio Montale, le flic de banlieue chargé du maintien de l’ordre public dans les zones sinistrées de Marseille, les pertes de Manu et d’Ugo, ses deux grands potes de la vie d’avant, le plonge dans une enquête viscérale et mortifère d’autant plus complexe à dénouer qu’elle n’est officielle qu’en partie et qu’elle secoue un panier de serpents venimeux.
Bel éblouissement face à ce soleil noir de la littérature policière plus de vingt ans après sa 1re édition ! L’écriture vive et précise de Jean-Claude Izzo (1945-2000) est un enchantement constant. Le texte n’a pas vieilli. Les personnages souvent inaptes à dire leurs sentiments sont complexes et denses, extrêmement attachants à l’exemple de Fabio, de Lole, de Driss ou de sa sœur Leila. Le dénouement de l’enquête est secondaire face au déroulé des histoires personnelles, des liens d’amitié et d’amour portés par la ville cosmopolite de Marseille. L’auteur, poète et journaliste, y distille en filigrane des éléments autobiographiques. Il a su s’accaparer avec brio des codes du roman noir et composer un univers cohérent et attirant. En sensible orfèvre des mots, Jean-Claude Izzo fait rayonner la cité phocéenne dans les ultimes phrases du 1er volume de sa trilogie : « La ville pouvait s’embraser. Blanche d’abord, puis ocre et rose. Une ville selon nos cœurs. » Si Fabio Montale a endossé l’étoffe du héros misérable (ou celui du zéro vénérable), il sait que toute vie s’échafaude sur le vide et que les aubes meurent au soleil.
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