Ce que tu pointes du doigt est tout le problèmes des fondamentalismes. Je viens moi aussi de tels milieux. Mais le fait justement de se rendre compte que la Bible elle-même (ainsi que tous les textes dits "sacrés") comportent en eux-mêmes une tension (certains diront une dialectique, ou des contradictions) devrait nous faire réfléchir. Ainsi par exemple, Abraham est présenté par certains textes comme étant intransigeant et raide face aux idolâtres, et par d'autres textes ont pourrait le voir très inclusif (à dire que les divinités que les autres peuples adorent n'est en fait qu'une des manières d'adorer YHWH). Cette diversité théologiques est inscrite dans la bible, comme si cette diversité faisait la communauté. Comme si les rédacteurs nous disaient : "vous êtes différents, vous n'avez pas les même opinions politiques ou théologiques, mais vous formez quand-même une seule communauté : ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise".
Le souci, c'est que pour VOIR que les textes contiennent cette diversité, il faut accepter de tuer certaines idéologies enfermantes (pour, il est vrai, adopter une idéologie ouvrante). Dans tous les cas, il n'y a aucune preuve de rien, il n'y a aucun moyen (à mon sens) de démontrer que l'autre est dans l'erreur, car dès que l'on se prétend dans la vérité on en est déjà sorti!
Je crois que c'est ma lecture des textes qui définit le lecteur que je suis. Quand je lis Proverbes 13.24 « Qui épargne le bâton n'aime pas son fils, mais qui l'aime se hâte de le châtier. » je me trouve devant un choix cornélien. Soit je considère que je dois appliquer ce texte à la lettre, soit je cherche à réfléchir au sens de cette parole et à l'adapter à la situation que je vis. Il est clair - comme pour ce qui est, en passant, la place de la femme - que ces écrits ont été commis dans des sociétés qui possédaient des caractéristiques qui s'accommodent mal avec ce qu'est devenue notre société. Et - oserai-je dire - heureusement! Bien souvent (et les gens le voient peu) la Bible agit comme une critique sévère de ces sociétés basées sur la domination. Elle adresse souvent (mais pas toujours, les rédacteurs étant divers) un énorme reproche à ces cultures. Cultures qui ont réussi à subvertir ce message (cf. la subversion du christianisme, de J. Ellul, par exemple).
En tant que lecteur, je mets forcément ce verset en concurrence avec d'autres passages, par exemple : Colossiens 3.21 : « Pères, n'exaspérez pas vos enfants, de peur qu'ils ne se découragent. » ou Éphésiens 6.4 : « Et vous, pères, n'irritez pas vos enfants, mais élevez-les en les corrigeant et en les instruisant selon le Seigneur. » ou encore « Celui qui accueille en mon nom un de ces petits enfants, c'est moi qu'il accueille » (Mc 9,37). Bref, je ne tiens pas à faire une explication de texte, mais disons qu'en tant que lecteur, une recherche honnête est engagée. Enfin, si je considère que Dieu est bienveillant, je vois mal comment je peux - sous prétexte d'obéissance - faire volontairement du mal à des enfants.
Pour finir, je reconnais cependant que cette démarche personnelle peut prendre du temps, et que les enseignant.e.s sont responsables d'une vision tordue (c'est-à-dire non-contextualisée) des textes. Et comme tu le soulignes si bien, le problème se situe sans doute dans la "sacralisation du texte".
Ce livre d'Ehrman (je viens de m'acheter son dernier livre traduit : "Jésus avant les évangiles - comment les premiers chrétiens se sont rappelé, ont transformé et inventé les histoires du Sauveur) poursuit un but clairement identifié : à la suite de nombreux protestants dans l'histoire, il s'agit de désacraliser la Bible. C'est indispensable. Il faut juste veiller à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain