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[Quoi de neuf, petit homme ? | Hans Fallada]
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apo



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Posté: Dim 14 Fév 2016 18:32
MessageSujet du message: [Quoi de neuf, petit homme ? | Hans Fallada]
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Me voilà de nouveau émerveillé à la lecture de Hans Fallada, par ce premier roman paru en 1932 qui lui valut une telle célébrité que même les nazis, une fois accédés au pouvoir, composèrent avec lui après une courte période d'ostracisme et de mise à l'index.
Le récit se compose en parties égales de l'histoire d'un amour idyllique, sans ombre et sans reproche, entre un jeune homme et une jeune fille du peuple, et de celle de leur résistance désespérée contre la perte de leur propre dignité, pour cause de la crise économique qui s'abat sur eux comme sur l'ensemble de la classe populaire allemande à l'époque de la rédaction de l'opus. Toute la force de cet amour est mobilisée contre la déchéance morale qu'entraînent les privations dès le début, les efforts de préservation éthique face à des modèles de dépravation et de manque de scrupules (les personnages de Mia Pinneberg et de Jachmann, puis les grappilleurs de bois), de défense de son amour-propre dans des milieux professionnels de plus en plus vexatoires, de sauvegarde de sa dignité dans la misère, enfin ; mais la dérive sociale finit par avoir raison de l'amour.
La focalisation autour du couple (et d'un nombre somme toute réduit de personnages secondaires), à l'instar de Seul dans Berlin, ne constitue pas un obstacle à la compréhension de la généralité des phénomènes qui ont cours à l'échelle de la société tout entière, ni à la perception de l'atmosphère de l'époque. À ce propos, la montée du nazisme et l'émergence de conflits sociaux sont sans doute encore trop prématurées pour être représentées dans leur dimension collective, à moins que ce soit une décision consciente de l'auteur, en attribuant à son héros une équanimité blasée entre nazisme et communisme, de montrer l'indifférence et la dépolitisation de la classe populaire de l'époque. Cependant le nazisme est ridiculisé et dénoncé à deux reprises : par le personnage rustre et déloyal de l'employé Lauterbach, et comme élément calomnieux qui contribue au licenciement du Môme de son dernier emploi au grand magasin (du Juif) Mandel. (Aucun angélisme pour les Juifs, et même un soupçon d'antisémitisme vague, dans ce roman). Quant à Bichette, dont la chute nous révèle la profondeur de sa perspicacité – ainsi que sa supériorité intellectuelle et caractérielle sur son mari :
« Elle a quelques concepts simples ; que la plupart des gens sont mauvais seulement parce qu'on les a rendus mauvais, qu'on ne doit juger personne parce qu'on ne sait pas ce qu'on ferait soi-même, que les grands pensent toujours que les petits ne s'en rendront pas compte – c'est ce genre de choses qu'elle a en elle, elle ne les a pas inventées, elle les a en elle. Elle a de la sympathie pour les communistes.
Et c'est peut-être pour ça qu'on peut rien raconter à Bichette. » (p. 165)

Serait-ce cette dernière phrase ou d'autres subterfuges de ce genre qui ont épargné les camps d'extermination à Fallada et lui ont même valu un roman sur commande de la part du régime ?

J'applaudis de nouveau la beauté de la traduction de Laurence Courtois, surtout dans son habileté à rendre le parlé et le langage argotique sans calques ni démesure, avec un rythme qui sonne toujours juste. Par contre, je suis interloqué par la quatrième de couverture qui prétend qualifier ce roman de « satire sociale » : sa noirceur n'a absolument rien de satirique, c'est au contraire ce qui rend une prise de vue tellement instantanée sur son contemporain, tout aussi intemporelle et même actuelle.

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