L’Europe dans le sens de la longueur.
Le récit de voyage de Paolo Rumiz aurait pu s’intituler « L’Europe à la verticale » à la place de sa traduction française évasive et plus accrocheuse « Aux frontières de l’Europe ». Le journaliste transalpin a sobrement titré : « La frontiera orientale dell’Europa ». Le voyage débute en juin 2008 dans les immensités d’eau, de neige et de forêts de la lointaine Borée, entre Finlande et Russie. La compagne de l’auteur, Monika, Polonaise russophone, écrivaine et photographe fait partie de la virée ferroviaire et routière longue de 6 000 kilomètres, depuis la ville finlandaise de Rovaniemi jusqu’à l’ukrainienne et portuaire Odessa, soit de la mer de Barents dans l’océan Arctique à la mer Noire jouxtant la Méditerranée. Depuis la création de l’espace Shengen en 2007 et l’ouverture des frontières des 26 pays membres, Paolo Rumiz, Triestin juché à la porte de la Mitteleuropa, maintenant que les barrières semblaient avoir été abolies et le rideau de fer déchiré, a jugé bon de partir à la rencontre des hommes, de leur histoire et des paysages dans ces terres du milieu si mal cernées, nébuleuses, évanescentes, meurtries et délaissées. Le voyage en zigzag, du nord au sud, traverse d’étonnantes contrées, aborde des fleuves longs et méandreux, la péninsule de Kola au nord de la Russie, la Carélie aux confins de la Finlande, la Courlande en Lettonie, le Niemen, le Dniestr, la Podolie, les Carpates ainsi qu’un chapelet de villes et de villages, Mourmansk, Petersbourg, Vilnius, Kaliningrad, Varsovie, Lviv, Odessa. Grâce à Monika, interprète empathique, Paolo Rumiz fait des rencontres magnifiques, atteint des lieux magnétiques, transcende son voyage pour frôler l’âme des hommes et les fantômes du passé. Les génocides et les exodes ont vidés du paysage des communautés vivantes et vibrantes à l’instar des Ashkénases. Demeurent les souvenirs et les églises mais les charmes ont été définitivement rompus. Quand les lieux exhalent une beauté émouvante, le journaliste sait poser ses mots avec un liant poétique, émaillant ses observations avec des qualificatifs évocateurs et riches, esquissant des tableaux impressionnistes se déroulant au fond de la lanterne magique de sa mémoire. Le lecteur découvre un monde totalement ignoré, devine un passé exaltant et mystérieux à l’image de l’épopée des maîtres bûcherons et des charpentiers scandinaves, suppose une nouvelle frontière fichée au cœur des hommes gangrené par l’enrichissement mafieux, l’inculture et la xénophobie.
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