[Stern. 1, Le croque-mort, le clochard et l'assassin | Frédéric Maffre ; Julien Maffre]
En 1882, Elijah Stern enterre les morts dans le comté de Coffey, au Kansas. A la fin du XIXe siècle, l’Amérique souffre des séquelles de la guerre civile de Sécession (1861-1865). Les deux pages du prologue rappellent un massacre dans le comté de Douglas, au Kansas, en 1863. Cet événement sordide va ressurgir une vingtaine d’années plus tard. Elijah est payé par la mairie de Morrison pour débarrasser la ville des cadavres. Charles Bening vient de trépasser dans la maison de passe du bled du fait, semble-t-il, d’un abus d’alcool. Sa veuve, vertueuse et ardente combattante dans la ligue antialcoolique, demande à Stern d’autopsier le cadavre afin de pouvoir ensuite exhiber les organes cirrhosés et influencer les âmes éthyliques repentantes. Stern amène ses macabres extractions au shérif car il vient de faire une étonnante découverte qui va détonner dans le paysage bucolique.
Etonnante, intelligente et attachante bande dessinée, « Stern » est une histoire complète mais une suite est pressentie. Le jeune croque-mort, Elijah, est un personnage particulièrement intéressant, trompant sa solitude et l’exécration de la population à son égard par la lecture d’œuvres roboratives à l’instar du Moby Dick (1851) de l’illustre méconnu de l’époque, Herman Melville. Son visage aux traits enfantins, ses cheveux corbeau agglomérés en mèches pendantes un peu à la mode d’Erik, le fantôme de l’opéra mais sans le masque effrayant de l’homme aux mille visages, Lon Chaney, sa glotte pointue (on imagine une voix caverneuse), ses habits noirs, l’ensemble joue en contraste avec un esprit perspicace, marqué par le passé et déterminé. Le récit est fluide. Les couleurs aquarellées n’accentuent pas les contrastes. Les personnages prennent place et corps dans une intrigue qui se noue rapidement. Le graphisme de Julien Maffre surprend et accroche le regard. Sa mise en page et ses cadrages sont superbes. Le croque-mort, loin de l’urubu d’Undertaker, reprend du lustre et donne envie de creuser davantage l’aventure.
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