Celice et Joseph, deux zoologistes et professeurs d’université ont été assassinés dans les dunes de Baritone Bay. Le couple a pris rendez-vous avec une mort brutale, aveugle, définitive. Comme Celice l’enseignait aux étudiants novices : « Vous êtes en sciences naturelles. Préparez-vous à rencontrer la mort et la violence. »
A partir de cette entrée en chaire et en matière, l’auteur va inciser ses descriptions et ses personnages avec la plume d’un scientifique, n’estompant rien de la mort en marche afin d’être au plus près de la vie. Il remonte le temps, quelques heures avant le meurtre puis revient trente années en arrière quand le couple s’est découvert dans ces mêmes dunes pour s’arrêter enfin sur la découverte des corps quelques jours plus tard. Avec une rigueur et un détachement scientifiques, Jim Crace tresse un linceul de mots sur les corps malmenés et les âmes mises à nu, dresse une fragile sépulture que les policiers déferont par hygiène, sécurité et peur de la mort. Dans son agonie, Joseph a délicatement enserré la cheville de sa femme. Ils voulaient s’aimer pour conjurer le mauvais sort, le temps corrosif et retrouver l’élan de la jeunesse. Retrouvés déshabillés et en décomposition, les amants cinquantenaires semblent obscènes aux policiers chargés de les emmener à la morgue. Peu à peu, le lecteur prend possession du parcours professionnel, familial et sentimental du couple sans véritable empathie toutefois mais en s’identifiant pourtant avec ces vies froissées par le temps et ses trajectoires biscornues. L’arrivée de leur fille ravive l’histoire qui s’enlisait quelque peu au rythme d’un balancier plus temporel que spatial jouant sur le passé proche et lointain des défunts, le cadre étant constitué par les dunes de Baritone Bay elles-mêmes condamnées par un projet immobilier. Si la vie décomposée par le menu s’insère dans un cycle naturel sans réaction de rejet, elle n’entraîne pas totalement l’adhésion par manque de sel et d’épices, la narcose accrochant parfois le mouvement pendulaire avec lequel Jim Crace joue.
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