A l'issue de la Guerre de Deux Cents Ans, l’État Unique a mis en place une organisation inspirée de l'idée de ce que doit être un monde parfait...
Cette perfection passe par l'uniformisation des individus et l'annihilation de toute passion. Les besoins vitaux sont satisfaits avec pragmatisme, sans réel plaisir, l'acte sexuel lui-même ayant fait l'objet d'une rationalisation excluant toute possibilité d'attachement durable.
Chaque acte du quotidien est réglé comme du papier à musique : les millions de citoyens de ce monde se lèvent chaque matin à la même heure et à la même minute, "comme un seul numéro". Tous leurs gestes sont coordonnés : "Fondus en un seul corps aux millions de mains, nous portons la cuiller à la bouche à la seconde fixée par les Tables ; tous, au même instant, nous allons nous promener, nous nous rendons à l'auditorium, (...), nous nous abandonnons au sommeil".
Seul le problème du bonheur n'a pas encore été résolu de manière précise : des Heures Personnelles sont laissées à disposition des individus, qui peuvent alors agir à leur guise.
Le narrateur D-503 est convaincu du bien-fondé de ce système. Il est le fondateur de l'engin spatial qui aura pour mission de propager la doctrine de l’État Unique dans toute la galaxie.
Chargé d'écrire un journal à l'attention des peuples des autres planètes, il le débute en porte-parole docile, fier de décrire une civilisation parvenue à un degré d'évolution aussi avancée...
Sa rencontre avec I-330, troublante femme de caractère qui n'hésite pas à opposer son originalité à la standardisation ambiante, provoque une confusion dans son esprit, qui se manifeste bientôt dans ses écrits.
Vous allez me dire que tout ça a un gout de "déjà-vu". Et c'est vrai que la lecture de "Nous autres" évoque immanquablement "Le meilleur des mondes", notamment. Sauf que... le roman du russe Eugène Zamiatine a été écrit en 1920 (dont l'écriture a été motivée par sa déception suite à la Révolution d'octobre). Et a inspiré Huxley, Orwell et consorts.
Voilà sans doute ce qui est remarquable dans cette œuvre : la lucidité de son auteur visionnaire, qui a su anticiper bien avant l'heure les dérives de tout système totalitaire, et son inadéquation au genre humain. Ce que j'ai trouvé intéressant aussi, c'est que la révolte de D-503 n'est pas vraiment consciente. Il ne remet pas en cause le système de manière rationnelle, ou réfléchie. Ce sont ses émotions qui bousculent les certitudes de cet ingénieur mathématicien. Comme si l'auteur avait voulu démontrer que si on peut imposer une doctrine à l'esprit de millions d'individus, il est impossible de prendre totalement le contrôle de leurs cœurs.
D'un point de vue purement romanesque, l'auteur éveille suffisamment notre curiosité pour nous donner envie de connaître l'issue de l'histoire, et de savoir ce qu'il adviendra au final. J'ai en revanche été parfois gênée par ce que je qualifierais de maladresses stylistiques, qui rendent le propos obscur. Un problème de traduction ?
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