[Prince Valiant. Intégrale, Vol. 5, 1945-1946 | Harold Foster]
Prince Valiant traverse le désert libyen enchaîné à la reine des îles brumeuses, Aleta qu’il veut traiter comme une esclave mais la jeune femme se joue de sa condition et finit par inverser les rôles. Valiant tombe sous sa coupe et se croit perdu, victime d’un ensorcellement invincible. Plus mature que son prince, Aleta tire les ficelles dès le départ et finit par enchaîner Valiant à son cœur. Même en haillons, égaré dans le désert, loin des siens, un chevalier de la cour du roi Arthur se doit d’être courtois. Tout pourrait enfin entrer dans l’ordre de la bienséance et de l’amour partagé où « même les dieux de l’Olympe les épient et les jalousent » mais ce serait sans compter sur le bellâtre empereur voleur de Saramande, Donardo. L’infatué séducteur découvrant les deux tourtereaux roucoulant décide de faire main basse sur Aleta. Ses soldats jettent Valiant d’une falaise, le laissant pour mort mais l’amoureux transis se relève et décide d’aller délivrer Aleta quels que soient les obstacles, à commencer par la forteresse et l’armée de Donardo. La quête du Graal donne des forces presque surnaturelles.
Le bonheur du lecteur francophone continue avec l’édition d’un cinquième volume de l’intégrale Prince Valiant couvrant les années 1945 et 1946. Hal Foster a débuté sa saga en 1937 pour passer le relais et les pinceaux en 1971. Si Soleil éditions vise une intégrale dessinée par Foster, au moins douze autres volumes pourraient suivre dans la foulée des éditions américaines Fantagraphics. Chaque case dessinée est un enchantement visuel qu’une seule lecture ne peut épuiser. Revenir sur les expressions des visages, le chatoiement des étoffes, le grain des pierres, la mer écumante, la profondeur des forêts, la science des cadrages, l’utilisation des couleurs révèlent toujours un peu plus la maestria de l’artiste américain composant parfaitement chaque vignette en ayant pris soin dès le départ de ne pas insérer de phylactères. L’image est reine et trône sans partage dans la planche dominicale que livre sans faillir le héraut de la bédé américaine durant presque trente-cinq ans. On pourrait penser a priori que la mise en scène d’une fresque épique allait engendrer des combats et des batailles à répétition mais si les scènes de bravoure émaillent la quête du Graal, le héros est souvent livré à lui-même, malmené par les coups du sort, sombrant dans la mélancolie, parfois à deux doigts de la folie. L’apparition d’Aleta est une source de fraîcheur et d’émerveillement tant sa beauté et sa sensualité sont magnifiées par les hachures ailées d’Harold Foster. La reine des îles brumeuses va orienter durablement la vie de Prince Valiant. Dire qu’Aleta est un personnage glamour n’est pas usurpé surtout si l’on se réfère à l’étymologie du terme dérivant de « grimoire », porteur de charmes puis de « grammaire » consignant des conjugaisons ésotériques qui, prononcé par un anglophone, perd ses petits « r » et ses grands airs et revient dans la langue française enrubanné de mystère tout comme cette épopée mythique intemporelle.
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