Cet ouvrage n'a pas correspondu à mes attentes. J'espérais y trouver surtout des témoignages de membres de familles homoparentales (parents et enfants), ou au moins une part congrue de parents "socialement" infertiles dans l'ensemble de ceux qui ont recours à des donneurs de gamètes et à des gestatrices pour autrui - y compris à l'étranger, bien entendu. Au contraire, il est question ici (peut-être pour défendre une thèse, peut-être par décision inconsciente), dans une immense partie du texte, des affres des parcours médicaux liés à la stérilité - surtout féminine - de sorte que la PMA est présentée comme un heureux secours, encore qu'imparfait et plutôt dysfonctionnant, au bout d'un long tunnel de pathologie biologique, de tentatives d'actes médicaux inefficaces, ainsi que de pathologisation psychique - "la blessure narcissique non cicatrisable" (p. 52) de la stérilité.
Autres biais de l'enquête : 32 interviewés sur 37 étaient des femmes, elles-mêmes infertiles pour la plupart, de sorte que même les "donneurs de gamètes" étaient très majoritairement des donneuses d'ovocytes, non des donneurs de sperme. Les enfants issus d'IAD (inséminations avec donneur) ont été enfin très peu représentés par rapport aux adultes, ce qui a considérablement affecté les réponses à la question de l'opportunité de l'anonymat du don (tel que l'impose la législation française actuellement).
Un court chapitre (pp. 91-110) est consacré à l'homoparentalité, insuffisant cependant pour mettre en lumière les spécificités de ces cas d'IAD et GPA, qui sont pourtant remarquables, puisque
la fiction technico-juridique hypocrite l'illusion de la procréation par le couple de parents sociaux y est impossible, et les réflexions particulièrement sur les questions juridiques sont plus poussées, notamment grâce à l'action (le lobbying) de L'Association des parents et futurs parents gay et lesbiennes (APGL), qui s'efforce de faire changer une loi bioéthique française datant de 1994 qui est parmi les plus restrictives d'Europe.
En conclusion, j'ai été intéressé surtout par les 100 dernières pages de l'essai, comportant les ch. "Secret et anonymat du don" et "Réviser la loi".
Dans le premier, j'ai été interpellé par l'opposition générationnelle qui est en train de se constituer très nettement entre la préférence pour le maintien du secret, de la part des parents ainsi que, souvent, du géniteur biologique, et le besoin de remédier aux côtés psychologiquement nocifs des non-dits (secrets de famille) chez les enfants, qui se manifeste peu ou prou par l'envie de connaître leurs origines, information souvent détenue et non révélée par les cliniques et "banques de sperme". Je suis surpris qu'il ne soit pas encore fait la moindre mention de ce qui risque de devenir tôt ou tard un gros problème psychanalytique, à savoir la hantise de l'inceste fraternel chez les enfants issus de dons anonymes (même si les cliniques doivent sans doute prendre des précautions).
Quant au chapitre sur les révisions législatives - qui est évidemment un peu dépassé (2008), surtout dans la timidité de ses propos d'avant le débat sur le "mariage pour tous" - les mesures suivantes sont préconisées : une reformulation du concept de filiation tenant compte de la parenté biologique et sociale, l'autorisation de la gestation pour autrui (sans évoquer expressément les couples gays), la légalisation de l'homoparentalité (il est surtout question des situations existant de facto), la révision (aménagement) de la règle de l'anonymat des dons, l'assouplissement des conditions du don, le passage à "une bioéthique pragmatique".
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