Stanislas Kervyn a la rage vrillée au cœur. Amant ou chef d’entreprise, il pressure et cogne. Ses maîtresses et ses employés doivent être corvéables et à ses ordres, sensibles semble-t-il à la carotte et au bâton. Autant dire qu’il ne génère aucune sympathie sans pour autant provoquer de franche antipathie car Kervyn souffre de n’avoir pas connu son père assassiné lors de la tuerie du Caire. Depuis des années, il tente de reconstituer le puzzle d’une existence énigmatique afin de comprendre qui était son géniteur et la raison de son élimination avec trente-neuf autres victimes en 1954. Il enquête, interroge, furète, voyage, écrit un livre sur le sujet, participe à des émissions littéraires. Il finit par recevoir un appel anonyme qui va remettre tout en question. Parallèlement, la vie de Nathan Katz est évoquée avec un décalage temporel conséquent puisque Nathan et son père ont échappé aux camps d’extermination nazis et débarquent à New York juste après guerre. Rapidement, le jeune homme prend l’ascendant sur un loubard bas de plafond, une terreur du quartier italien qui dégoise sur les « youpins ». Nathan a plus que souffert d’avoir connu les camps et vu sa famille décimée. Il décide de donner une sévère leçon au voyou à l’aide d’une batte de baseball assénée méthodiquement, avec une rage contenue et une force appliquée : « Nathan s’agenouilla et s’approcha de son oreille. – En mémoire de ma mère, de mes sœurs et de ceux qu’ils n’ont pas loupés ». Son exploit vengeur arrive aux oreilles du Chat, une organisation secrète à la recherche des anciens tortionnaires nazis ayant passé à travers les mailles de la justice. Nathan est formé. Commence la traque sans fin des bourreaux. Nathan va donner entière satisfaction au Chat mais il y laissera des plumes car les anciennes victimes sont devenues à leur tour des bourreaux et les nazis s’organisent rapidement et contre-attaquent avec virulence. Nathan et Stanislas sont faits pour se retrouver afin d’élucider quelques problèmes cruciaux longtemps en souffrance.
Les cinq cents pages du roman policier ne pèsent jamais. L’intrigue est constamment tendue et les personnages gagnent en gravité à mesure qu’ils croisent la vérité et la dure réalité de l’existence. Comment Stanislas Kervyn et Nathan Katz peuvent-ils faire le deuil de leurs morts et continuer à vivre en paix ? La vengeance et la rédemption ont-elles parties liées ? Autant de questions graves que le roman très documenté inscrit en filigrane et en lettres de feu. Les cours chapitres sont tous intitulés avec le dernier morceau de phrase du chapitre en question et cela fonctionne plutôt bien. On peut regretter la mocheté des couvertures de la collection Folio Policier mais on ne peut qu’applaudir un énième roman policier captivant tourné vers les séquelles liées à la Seconde guerre mondiale mais comment se désintéresser d’une époque aussi terrifiante et aussi fascinante ?
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