Superbe bouquin de Philippe Jaenada sur le bandit gentleman Bruno Sulak . Le parcours de Sulak est brillamment restitué de son enfance provençale aux multiples braquages des années 80 en passant par la case Légion étrangère. Mais plus que le fond c'est la forme qui interpelle. Comme l'avait déjà fait Laurent Binet dans "Hhhh", Philippe Jaenada s'immisce dans le grand roman de la vie de Sulak en racontant quelques épisodes de sa propre vie à l'instant même où Sulak vivaient les siens. Cela donne par exemple : "pendant que Bruno ce jour là dévalisait sa première bijouterie, j'avais seize ans et commençait à draguer les filles". Procédé bien maîtrisé et appliqué avec un humour très décalé.
Jaenada ne tergiverse pas quant à l'empathie que lui inspire le joyeux brigand. Sulak avec son compère serbe ont braqué maints hyper-marchés et autres bijouteries sans jamais user de violence (pas de mort d'homme). Tout était dans le style et l'on pense bien sûr à Arsène Lupin. D'ailleurs le lecteur se trouve dès lors comme pris en otage par Jaenada ; et c'est vrai qu'il est diablement sympathique Bruno Sulak ! et en plus un petit côté intello qui lui attirera j'en suis persuadé , la sympathie des lecteurs de l'Agora ! pensez donc , lire en prison Marguerite Duras et Jean Genet il faut avoir pour cela l'amour de la littérature chevillé à l'âme, ou avoir épuisé tous les Gérard de villiers de la bibliothèque pénitenciaire.
Trois évasions à son actif (et toujours sans violence), la quatrième (de Fleury Mérogis) lui sera fatale. Mal préparée avec des complices peu fiables, personne ne sait vraiment ce qui s'est passé cette nuit là dans les locaux de la prison. Surpris par des matons il est retrouvé agonisant après une chute de huit mètres. Jaenada reprend minute par minute les derniers instants de Sulak ; pour lui (comme pour la famille de Sulak) rien n'est clair dans les déclarations des uns et des autres, et il n'est pas loin de penser (il instille du moins cela dans la tête du lecteur en prenant quelques précautions épistolaires pour éviter la diffamation) que la mort de Bruno Sulak est la résultante d'un meurtre . Trop d'ecchymoses,trop de coups, oeil enfoncé,rate éclatée....Bruno Sulak ancien légionnaire parachutiste, sportif aguerri , étonnait toujours ses amis en défiant le vide et en sautant de plusieurs mètres de haut en se recevant avec l'agilité d'un chat....

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