Mesure de la Terre. Picard (Jean). A Paris, de l'Imprimerie royale, 1671, 30 p.
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Presque dès sa création en 1666, l'Académie royale des sciences s'est préoccupée de la mesure de la circonférence terrestre, jugeant sa connaissance utile non seulement à la géographie, mais surtout à la navigation. Le principe consiste à mesurer une petite portion de cette circonférence, donc un arc de cercle, puis à mesurer la valeur de l'angle au centre qui intercepte cet arc de cercle. On en déduit la circonférence totale qui correspond à un angle de 360 degrés.
Cela avait été fait plusieurs fois depuis l'Antiquité, mais l'abbé Jean Picard, nommé pensionnaire astronome dès la création de l'Académie, avait apporté un perfectionnement important à l'un des instruments utilisés, perfectionnement dont nous parlerons plus loin. Il entreprit donc de mesurer la distance séparant Malvoisine, un peu au sud de Juvisy, de Sourdon en Picardie.
Impossible de mesurer une telle distance directement sur le terrain. Picard et ses assistants mesurèrent en allant et en revenant, sur le grand chemin pavé en ligne droite entre Villejuif et Juvisy, la distance séparant le milieu du moulin de Villejuif du plus proche coin du pavillon de Juvisy. Ils utilisaient deux mesures en bois de quatre toises chacune, posées sur le sol dans le prolongement l'une de l'autre. Puis la première était relevée et portée à l'extrémité de la deuxième et ainsi de suite le long d'un grand cordeau. La moyenne des deux mesures s'établit à 5 663 toises du Châtelet de Paris.
Cette ligne droite devint un côté (la base) d'un triangle dont le sommet opposé était la pointe du clocher de Brie-Comte-Robert. Il suffisait alors de mesurer les angles entre cette base et les deux autres côtés du triangle pour pouvoir calculer à l'aide de formules trigonométriques la longueur de ces deux autres côtés.
C'est à l'appareil destiné à mesurer les angles, le quart de cercle, que Picard avait fait faire un progrès décisif. Cet appareil comportait un limbe (gradué) en forme d'arc de cercle, muni d'un montant principal figurant le rayon du cercle. Le tout prenait position horizontalement sur un pied muni d'une articulation qui permettait à la fois la rotation et l'inclinaison du limbe. Une lunette d'approche fixe était placée entre le centre du cercle et l'une des extrémités du limbe, doublée d'une autre fixée seulement au centre du cercle, mobile sur le limbe, qui pouvait être déplacée jusqu'à l'autre extémité du limbe, permettant de mesurer un angle en fait un peu supérieur à 90 degrés entre les deux lunettes.
Pour connaître les angles des côtés du triangle il fallait installer le quart de cercle à l'une des extrémités de la base, disons au milieu du moulin de Villejuif ; avec la lunette fixe il fallait viser le plus proche coin du pavillon de Juvisy, avec la lunette mobile la pointe du clocher de Brie-Comte-Robert, et l'on pouvait lire sur le limbe gradué la valeur de l'angle correspondant.
C'est Picard qui avait eu l'idée d'utiliser des lunettes d'approche. Avant lui, on utilisait deux réglettes de bois munies à leurs deux extrémités de pinnules, c'est-à-dire de plaques de bois ou de métal comportant une encoche, la visée se faisant par les encoches.
Une fois connue par le calcul la distance entre le milieu du moulin de Villejuif et la pointe du clocher de Brie-Comte-Robert, cette distance devint la base d'un deuxième triangle dont le sommet opposé était le milieu de la tour de Montlhéry. De triangle en triangle, Picard obtint la mesure de trois segments de droite allant de Malvoisine à Sourdon. Ces trois segments de droite n'étaient pas exactement dans le prolongement l'un de l'autre, et ils n'étaient pas exactement sur le méridien passant par l'observatoire de Paris, mais cela ne demandait que quelques calculs supplémentaires. L'occasion se présenta de pousser les mesures jusqu'à Amiens. D'autre part, une vérification fut faite en mesurant une nouvelle base aux environs de Sourdon et en établissant certains nouveaux triangles. Picard retint 68 430 toises 3 pieds comme distance entre le parallèle de Malvoisine et celui de Sourdon.
Il fallait maintenant connaître la valeur de l'angle entre le parallèle de Malvoisine et celui de Sourdon (c'est-à-dire la différence de latitude entre Malvoisine et Sourdon). Cela se faisait en mesurant la différence de hauteur d'une même étoile, à sa culmination, aux deux endroits. J'imaginais que l'on mesurait la hauteur de l'étoile par rapport à l'horizon, comme en mer, mais en fait, sur terre, il est plus commode de mesurer la distance d'une étoile au zénith. Picard fit construire un instrument comportant une lunette longue de dix pieds, fixée en haut sur un montant, et qu'il fallait écarter du montant par le bas pour pointer une étoile. Un limbe d'un vingtième de cercle était solidaire de la lunette et présentait ses graduations devant un fil à plomb, indiquant du même coup l'angle entre l'étoile et le zénith. L'étoile choisie fut celle nommée le genou de Cassiopée et la différence de hauteur mesurée par Picard fut de 1 degré 11 minutes 57 secondes.
Picard put donc donner la valeur de 57 060 toises pour 1 degré de circonférence terrestre, soit 20 541 600 toises pour la circonférence terrestre complète. Dans les décennies suivantes, des doutes allaient s'élever sur la parfaite sphéricité de la terre et donc sur l'égalité de chaque degré de méridien terrestre. Mais ceci est une autre histoire.
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