Mariecesttout
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Posté: Mar 15 Oct 2013 21:42
Sujet du message: [Tout va très bien | Charles Chadwick]
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Très difficile de parler de ce livre, et surtout de le conseiller à qui que ce soit.. Les rares critiques lues ici et là en français ( en anglais, c'est différent) parlent d'ennui..
C'est très dommage , à mon avis, mais il faut savoir que c'est un pavé ( 812 pages)et qu'il ne se passe pas grand chose.
Et que pourtant, pour moi, c'est un très beau roman.
Quatrième de couverture:
Tom Ripple est un type qui ne fait pas de vagues. Anglais moyen, il porte un regard singulier sur son existence banale. Marié à une femme socialement très engagée, il trouve plus reposant de se contenter de la vie plus ou moins telle qu’elle est. Rien ne le ravit tant que le petit train-train satisfait, la routine au ronron attachant. Il n’est pas non plus porté à vouloir découvrir la source et le sens des choses. Pourtant, sans raison apparente, il se met un jour à consigner sa vie par le menu. Avec un mélange d’honnêteté et de maladresse, d’humilité et d’autodérision, il raconte son quotidien de banlieusard sans histoires dans l’Angleterre des années 1970, ses relations avec ses voisins, son mariage qui se désagrège, ses enfants qui s’éloignent, la vie du petit village du Suffolk dans lequel il élit domicile, ses amours déçues, son retour à Londres, puis son ultime retraite dans une station balnéaire, la santé qui décline, les souvenirs qui refluent, et la fin d’un millénaire qui semble se confondre avec ses derniers jours.
Écrit sur plus de vingt années et publié par un jeune auteur de soixante-dix ans, Tout va très bien compose une singulière et attachante épopée du quotidien. Avec ce gigantesque premier roman qui commence par une anecdote griffonnée sur un bout de papier et s’achève comme un monument destiné à entretenir un souvenir qui s’estompe, Charles Chadwick a écrit le grand monologue de l’homme ordinaire.
Moi, je ne me suis pas ennuyée une minute, et , pire, j'aurais volontiers lu mille pages supplémentaires sur les voisins et la famille de ce fameux Tom Ripple, enfin surtout sur la façon dont lui, les voit, les décrit, imagine , sur ce qu'il fait ou bien souvent ne fait pas, et pourquoi il ne le fait pas . Au début Tom Ripple est un brin agaçant, on a envie de lui dire de se bouger un peu plus. Mais à quoi bon reprocher à un homme quelque chose qu'il sait très bien..
C'est un livre plein de tendresse, d'empathie, très souvent drôle , même si sur le fond assez tragique,plein de dérision et surtout d'auto-dérision . Très anglais dans la pudeur même si cette même pudeur m'a quelquefois fait penser à certains romans de Wallace Stegner.
On pourrait faire un test, avec le début du livre:
Pendant un certain temps, les deux maisons qui encadrent la nôtre sont restées vides. Puis, à peu près en même temps, les écriteaux " A vendre" ont disparu et des gens ont emménagé. Nous habitons un ( simple) pavillon entre les deux dans lequel, à ce que j'ai fini par admettre, et ma femme peut être aussi, nous passerons le reste de nos jours...Enfin il faut bien commencer quelque part, sur un vieux morceau de papier quelconque. Je ne sais pas trop à quoi ça rime. Nous verrons bien. Il se peut que ça prenne pas mal de temps.
Webb, l'un des voisins, souffre d'une curiosité excessive, mais sans malice, j'en suis sûr. De l'autre côté, vivent un homme du nom de Hamble et sa femme, lesquels manifestent constamment dans leur personne une souffrance de longue date qui me donne à penser que le seul fait de vivre ensemble représente pour eux une forme d'épreuve. Webb est marié, lui-aussi.Voûtée et blafarde derrière ses lunett es, sa femme a l'air de vouloir se faire oublier comme si, en son temps, elle avait trop attiré l'attention sur elle.
Je souhaite souvent, pas si souvent que cela tout de même, que nous ayons les moyens de vivre sans voisins immédiats, ailleurs que dans cette banlieue anonyme du nord de Londres où essayer de garder son quant-à-soi, c'est se faire remarquer. Je souffre suffisamment des voisins sur mon lieu de travail sans qu'il me faille en supporter pendant les longues périodes où je n'y suis pas. Ma femme jugerait ce genre de théories ( si toutefois il s'agit de théories) antisociales. Elle, c'est vraiment tout le contraire. La société, elle est résolument pour. Elle a d'ailleurs ses théories sur la question- aussi bien celle qui est la nôtre, que la société meilleure que nous devrions tous essayer d'instaurer. Elle prêche par l'exemple- et fait aussi tout le contraire, ce que certains pourraient juger antisocial, c'est peut-être le mot. Pas moi. J'admire beaucoup son travail, par exemple les bonnes oeuvres qu'elle accomplit dans un autre quartier; Elle se demande de temps en temps, Dieu merci seulement en théorie, si elle devrait se faire payer pour cela. Vous pourriez donc en conclure qu'entre nous nous essayons d'élaborer un monde meilleur, un voisinage aux horizons élargis.En théorie, peut-être, mais je ne veux pas laisser la théorie s'immiscer entre nous.
Quand elle voit les Webb ou les Hamble, elle leur adresse un salut rapide de la main sans interrompre son activité du moment- le plus souvent, l'air décidé, elle arpente alors le sentier pour piétons devant la maison- et elle répond aux demandes de renseignements de Webb par un rictus en coin que seul celui-ci pourrait confondre avec un sourire. Ma femme n'aime pas discuter des voisins alors qu'il y a des sujets de conversation d'une plus grande portée, comme les progrès de nos enfants et le développement de leur conscience sociale, ma totale absence d'intérêt pour ces questions ( toujours abordées de façon implicite) et la façon qu'a le monde de se loger au beau milieu de tout ça.
... La différence entre Webb et les Hamble, qu'on imagine toujours par deux, c'est que si vous veniez voir Webb pour lui emprunter quelque chose, mettons un tournevis ou un bout de fil de fer, il vous demanderait ce que vous comptez en faire. Les Hamble, eux, l'un comme l'autre, se précipiteraient aussitôt pour vous donner satisfaction, tout en sachant qu'ils n'ont pas l'objet en question, et réapparaîtraient plus tard ravis de vous apporter autre chose, par exemple une paire de ciseaux ou une pelote de ficelle, ou alors, dépités de revenir les mains vides, si bien que vous regretteriez de ne pas leur en avoir demandé beaucoup plus, ou tout autre chose ou, évidemment, rien du tout.
Webb dit.... etc etc
Alors.. si d'emblée vous n'avez pas dépassé la troisième ligne, oubliez, tout est comme cela, de perpétuelles réflexions sur des choses ou des évènements assez insignifiants, mais qui font la vie, finalement.
Une autre citation:
Tandis que j'écris ces lignes, le monde est accablé par l'éventualité d'une guerre dans le Golfe. Il ne reste plus que quelques jours..
Quand j'ai téléphoné à Jane pour lui souhaiter la bonne année et la remercier pour le poisson en bronze qu'ils m'avaient offert pour Noël, elle m'a appelé "papa" pour la première fois. J'ai alors noté ce qu'elle a dit, mais avec une telle mélancolie dans la voix, et j'ajoute maintenant ce qu'elle a dit depuis: qu'il n'y aurait jamais de monde où la course aux honneurs, aux richesses et au pouvoir n'emporterait pas tout avec elle. Mais dans quelle mesure ne nous sommes-nous pas comportés ainsi dans nos propres vies, au lieu de suivre les visions de paix, génératrices de liberté et d'ordre parmi nous? Un ordre nouveau à l'échelle mondiale était inenvisageable tant que se heurteraient des volontés individuelles. Il ne fallait pas espérer de courtoisie ordinaire devant une telle quantité de cupidités et de jalousies personnelles. Si nous sommes incapables de nous perfectionner nous-même, quel espoir pouvons-nous nourrir pour l'humanité en tant que collectivité? En attendant, je lis que des gens remettent leur suicide à plus tard parce qu'un bain de sang est un évènement qu'ils attendent avec impatience. Cela vaut aussi pour les autres, qui chérissent davantage leur vie.
J'aime ce Charles Chadwick et j'attends avec impatience la traduction de son second roman!
Traduit de l'anglais par Patrice Repusseau
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