Je suis une grande admiratrice de Daphné du Maurier. Sa capacité à en dire long en peu de mots, l'élégance de son écriture, la finesse de son analyse des rapports humains... En deux mots : la classe !
Vous comprendrez donc aisément qu'en découvrant que des nouvelles inédites de la dame venaient d'être publiées, je me suis jetée dessus... En plus du texte éponyme, "La poupée" regroupe des récits de jeunesse dont certains sont parus dans diverses revues.
Ce recueil ne m'a pas déçu. J'y ai retrouvé toutes les qualités que l'auteure de "Rebecca" a développé dans ses écrits suivants, romans comme nouvelles.
Le point commun aux textes réunis ici, est qu'ils traitent presque tous des relations hommes/femmes, et que Daphné du Maurier y explore comme elle sait si bien le faire les replis secrets et inavouables que recèle l'esprit humain.
Qu'il s'agisse de la lassitude qu'éprouve un couple qui ne sait plus communiquer, où de l'horreur ressentie par celui qui découvre l'ampleur de la perversion qui habite l'être aimé, elle trouve toujours les situations idoines et le ton juste pour exprimer les émotions de ses personnages.
Au besoin, elle manie également l'humour, toujours avec subtilité, ainsi qu'elle le démontre notamment dans "Notre Père", où elle fustige avec une ironie réjouissante l'hypocrisie et la vénalité d'un pasteur qui cache ces vices sous une respectabilité sans tâche et une bonhommie rassurante pour des ouailles qui ne jurent que par lui !
L'homme de Dieu qui campe le personnage principal de ce texte n'est pas le seul à faire l'objet de sa plume acérée... En imaginant les destins de jeunes filles précocement instruites des désillusions que leur réserve la vie (dans "Le minet", entre autres, ou dans "Notre Père", toujours), elle se montre à la fois clairvoyante et critique quant au sort réservé à celles qui n'auront pas su s'armer contre le conservatisme d'une société victorienne où le pouvoir est surtout masculin...
Mais ce que je préfère sans doute, dans les nouvelles de l'auteure, c'est lorsqu'elle les teinte d'une nuance fantastique, comme c'est le cas dans le texte qui donne son titre au recueil, où celui qui ouvre le volume ("Vent d'Est"). Au surnaturel, l'auteure mêle une touche d'érotisme sulfureux, voire pervers, qui motiva dans un premier temps le refus par les éditeurs de publier "La poupée". Car la sage Daphné, dont l'existence eut les apparences d'un long fleuve tranquille (voir, pour plus de détails, ce "Portrait maison"), s'appliqua dans son œuvre à développer des thèmes osés pour son époque, d'autant plus qu'ils étaient abordés par une femme ! A l'encontre de l'hypocrisie régnant alors, elle n'a pas craint de se pencher sur les mécanismes du désir féminin, ou d'évoquer les états d'âme de femmes de petite vertu...
Elle le fait avec esprit et intelligence, suggérant plus qu'elle ne décrit, mais son propos est toujours explicite.
Ces nouvelles, écrites à l'aube d'une longue et talentueuse carrière, méritent davantage que d'en être définies comme les prémisses... Même si j'ai moins aimé certains textes -mais ils sont peu nombreux-, ce recueil n'a rien de l’œuvre d'une débutante, et c'est sans hésitation que je le qualifie d'excellent !
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