Des gosses malingres, effarés, aux yeux grands comme des soucoupes, souffrant d'une plombémie élevée...
Des façades rongées par les gaz, un air infestée de particules suspectes...
Des habitants considérés comme des pestiférés...
Des rues sans arbres, dans lesquelles circulent peu d'automobiles...
S'agit-il d'un pays du tiers monde ?
D'une zone sinistrée suite à un accident nucléaire ?
Non, nous sommes simplement dans une ville sidérurgique du nord de la France.
Le titre dévoile d'emblée l'issue d'un des drames qui va se jouer : l'homme qui vit ses derniers jours est Clément. Sur les circonstances de sa mort, en revanche, l'auteur entretient le mystère jusqu'à la fin...
Ayant démissionné de son poste à l'usine qui fait vivre la quasi totalité des habitants de sa commune, Clément est employé par Thomas, un concitoyen qui a monté une petite entreprise d'élagage. Mais déjà, cette entreprise périclite. Clément vivote. Il vient de perdre sa femme Sabine, qui ne s'est pas réveillée de son anesthésie suite à une opération chirurgicale pourtant bénigne, et il en est encore à payer les obsèques de son père, décédé deux mois plus tôt. Il faut pourtant bien survivre, et surtout pourvoir aux besoins de Judith, sa fille de cinq ans.
C'est justement la voix de cette dernière qui répond à celle de son père, à treize ans d'intervalle. A dix-huit ans, elle est orpheline depuis plusieurs années, et a été élevée par Étienne, son oncle paternel, qu'un handicap empêche de travailler. Judith évolue dans un cimetière, celui de la ville dont l'usine a fermé, laissant des stigmates irréversibles : le chômage et la pauvreté, un environnement délabré, sale, une terre contaminée par le plomb. La puissante Silver Company, qui avec la complicité de pouvoirs publics prônant la défense de l'emploi, avait bâti le site, l'a fermé aussi vite, laissant à la charge de la commune un désastre humain, écologique et sanitaire.
Qui s'en préoccupe ? Les victimes sont délaissées, oubliées, leurs problèmes minimisés, leurs doléances méprisées... Il n'y a même pas -ou si peu- de solidarité entre elles, d'ailleurs. La misère que décrit Pascal Dessaint est sordide, laide, qui avive les haines et les rancunes.
Son récit se déroule dans un monde d'hommes souvent rustres, portés sur l'alcool, d'hommes désespérés, qui peinent à conserver une dignité qui leur a été retirée avec la perte de leur emploi, et de leurs perspectives d'avenir.
Au cœur de ce marasme, la relation qui unit Judith à son oncle est très touchante, tout comme l'humble joie de vivre dont fait preuve la jeune fille, en dépit d'une existence terne et grise, est rafraichissante.
Avec "Les derniers jours d'un homme", l'auteur donne la parole à ceux que nous n'avons pas l'habitude d'entendre, ces oubliés sacrifiés sur l'autel du profit.
Il nous immerge dans un univers que l'on voudrait croire irréaliste tant il est glauque, qui fait d'autant plus froid dans le dos quand on réalise que c'est pourtant bien le nôtre...
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