Ce 2e opus est une vraie claque d’abord pour David, au sens propre, lorsqu’il se déclare à Katchoo dans les premières pages puis pour le lecteur, au sens figuré, quand il referme l’album. La bédé de Terry Moore est sidérante de beauté, de justesse et d’émotion. Tout ne pourrait être qu’un soap opera (ou roman savon selon les Québécois) dégoulinant de mièvrerie et il n’en est rien car l’art et l’intelligence de l’auteur ne le permettent jamais. D’abord, il y a la mise en page et les cadrages serrés sur les personnages. La visite rendue par Katchoo à Emma son amie mourante du sida à l’hospice Sainte Mary est d’une force émotionnelle jamais ressentie auparavant dans un « opéra de papier ». La sobriété des échanges, la force des non-dits, la vérité des personnages dans une situation extrême qui les engage corps et âme rendent la scène bouleversante. Le récit embraye aussitôt après par une scène ultra violente de passage à tabac d’un détective privé chargé de surveiller Katchoo et qui a perdu la filature. La donneuse d’ordre, Madame Darcy Parker, a lancé Bambi, sa fausse blonde thermonucléaire, un nervi féminin à la main lourde, corriger Digman, le détective malchanceux et retrouver Katchoo dans la foulée. Darcy Parker est richissime mais elle n’accepte pas d’avoir été volée et abandonnée par Katchoo, dit-elle. Au traquenard qui s’ourdit autour du trio d’amis, s’ajoutent leurs déboires sentimentaux car si Katchoo n’est pas insensible à David mais se refuse violemment à lui, Francine commence à éprouver des sentiments amoureux pour David (voir la scène tragi-comique du rêve de Francine) alors même que Katchoo en nourrit pour elle. A cela s’ajoute l’inénarrable rencontre dans le supermarché local avec l’ancien amoureux éconduit de Francine, Freddie, accompagné de sa fiancée Casey. Ils ont prévu de se marier à Hawaï sous une cascade d’eau. Finalement, Freddie se rend compte qu’il n’aime que Francine. La situation vaudevillesque contrebalance efficacement la violence de Darcy Parker et de ses affidés. Les révélations vont d’ailleurs aller bon train et la fin de l’album est un cliffhanger insoutenable.
Terry Moore réussit à équilibrer les tensions sentimentales et dramatiques sans noyer ni ennuyer le lecteur. Les personnages ont une présence indéniable et il est difficile de ne pas éprouver d’empathie pour eux. Des pages totalement écrites s’intercalent dans la bédé et ne nuisent en rien à la qualité de l’histoire. Le lecteur peut légitimement penser aux « Watchmen » d’Alan Moore. De multiples clins d’œil parsèment la bédé et Terry Moore arrive à recycler dans son récit de nombreux clichés du genre en leur insufflant une nouvelle vitalité. Visiblement, l’auteur sait où il va et il n’hésite pas à donner d’entrée de jeu les clés au lecteur.
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