Les romans de Kurt Vonnegut Jr sont en général plutôt déjantés...
Heureusement, ils ne sont pas que ça. Le seul fait de raconter des histoires loufoques ne peut en effet suffire à assurer la qualité d'un roman.
Vonnegut, c'est aussi un style, qui mêle érudition et impertinence, paillardise et fausse ingénuité.
"Le breakfast du champion" est aussi un roman déjanté, mais qui manque selon moi d'une certaine profondeur...
Dès les premières pages de ce récit, l'auteur nous apprend qu'il va y être question de la rencontre entre deux hommes qu'a priori tout sépare.
Kilgore Trout est un obscur auteur de science-fiction, qui n'a réussi à se faire publier qu'en vendant ses textes à diverses revues pornographiques. Ce joyeux drille mène sa vie avec désinvolture, sans se soucier des apparences et du qu'en dira-t-on.
Dwayne Hoover est quant à lui un individu entreprenant et ambitieux qui a fait carrière dans le commerce automobile, grâce auquel il a fait fortune. Veuf, il entretient avec sa secrétaire une liaison stable et sereine.
Sa réussite professionnelle dissimule des troubles mentaux qui, au fil du récit, vont coloniser son esprit de manière exponentielle, provoquant des hallucinations gênantes et suscitant une paranoïa grandissante.
Trout sera l'élément déclencheur de l'apothéose de ce dysfonctionnement psychologique, par l'intermédiaire d'une idée qu'il va introduire dans l'esprit de Dwayne, et qui consiste à se croire entouré de robots, lui seul étant capable, en tant qu'humain, de ressentir des émotions.
Tout en détaillant les événements qui précèdent la rencontre des deux hommes, Kurt Vonegut, par le truchement de multiples digressions, ou en résumant le synopsis des diverses fictions imaginées par Kilgore, en profite pour exprimer son rejet des valeurs prônées au sein d'un empire américain bâti par des propriétaires d'esclaves, et son dégoût d'une humanité dont il décrit la propension à la destruction et à la violence.
Il fustige, en vrac, la guerre du Viet Nam, le racisme, le sexisme, le désastre écologique que le comportement irresponsable des hommes rend inéluctable. Pour ce faire, il s'exprime vis-à-vis du lecteur comme si ce dernier était originaire d'une autre planète et qu'il devait lui servir de guide pour lui faire découvrir les moeurs des terriens. Il énonce ainsi, avec une simplicité quasiment enfantine, des postulats tels que :
" Le Viet-Nam était un pays où l'Amérique essayait d'empêcher la population de devenir communiste, en les arrosant , par avion, de produits divers".
ou encore :
"Du fait qu'elles sont de gros animaux, les femmes se trouvent toutes pourvues de grosses cervelles, mais elles les utilisent assez peu, pour la raison suivante : on peut se faire beaucoup d'ennemis en ayant des idées inhabituelles, et les femmes, afin d'obtenir un minimum de confort et de sécurité, ont besoin d'avoir le maximum d'amis".
Vous trouverez dans "Le breakfast du champion" une multitude d'explications du même acabit, sur des sujets aussi divers que l'utilité ou l'origine de certains ustensiles, la complexité des rapports entre êtres humains, l'antisémitisme, les limites du consumérisme, l'agonie de la planète Terre et j'en passe... Ils sont souvent agrémentées de petits dessins de l'auteur, destinés à illustrer son propos avec plus de clarté.
Et c'est sans doute là que le bât blesse : le récit finit par tourner à la démonstration, une démonstration superficielle, assez puérile et peu constructive, même si le fond du propos est souvent juste.
Certes, de nombreux passages sont assez drôles, mais cela n'a pas suffit pour que je considère ce roman à la hauteur d'un "Abattoir 5" ou d'un "Galápagos"...
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