Heureusement que je connais un peu David Herbert Lawrence...
Si j'avais dû me fier au titre de la traduction française de son roman "St Mawr" -que je trouve d'un goût un peu douteux- et à l'illustration de couverture de l'édition Phébus, sans doute m'en serais-je détournée, imaginant avoir affaire à un quelconque récit pornographique !
Je vous rassure -ou vous déçois, c'est selon...- tout de suite, "L'étalon" n'est pas ce genre de roman. Quoique... en matière d'érotisme et de sensualité, l'auteur du célèbre "Amant de Lady Chatterley" aurait sans conteste pu en remontrer à beaucoup !
Entendons-nous bien : il s'agit d'un érotisme sous-jacent, allusif, mais pourtant tangible.
Il n'y a en effet pas de scènes véritablement "osées", ni d'évocation de fantasmes torrides... juste la lassitude d'une épouse qui n'entretient plus avec son conjoint qu'une relation platonique... L'irruption dans son existence d'un cheval rétif va éveiller des aspirations jusqu'alors refoulées, des désirs vagues mais prégnants.
Cette femme, c'est Lou, fille d'une veuve américaine au caractère fort et indépendant, Mrs Witts. Malgré la désapprobation de cette dernière, elle a épousé Rico, un jeune artiste qui a hérité de son père australien et désargenté le titre de baronnet.
Après avoir mené, dans les premiers mois de leur passion, une vie de bohème, entre la France et l'Italie, les deux tourtereaux se sont installés à Londres. La fougue des débuts a fini par retomber, et Lou éprouve un morne désenchantement vis-à-vis non seulement de son artiste de mari, mais aussi envers l'ensemble d'une société à laquelle elle reproche d'être gouvernée par les apparences et la futilité.
Elle ne supporte plus le monde qui l'entoure, monde de mensonges, de plaisirs toujours plus nombreux, de désirs toujours plus grands... Elle regrette la perte, par les individus, de leur authenticité et de leur profondeur, leurs failles et leurs émotions véritables étant étouffées, camouflées par la contenance qu'ils affichent en toutes occasions.
L'apparition, dans ce contexte, de St Mawr, étalon sauvage, rebelle, est comme une révélation, l'événement qui lui fait prendre conscience de cette lassitude, qui se mue bientôt en véritable dégoût.
Le cheval devient le symbole d'un possible retour à une sensualité primitive, puissante et virile. Il est un être intrinsèquement vivant et fier, aux réactions brutes, qui ignore l'hypocrisie et le mensonge.
Je suis loin d'être une spécialiste de David Herbert Lawrence, n'ayant lu que quatre de ses textes, y compris celui-là, mais j'ai retrouvé dans la plupart certains points communs flagrants.
Je pense notamment à cette quête, par ses personnages, d'une sorte de pureté, d'authenticité que les individus, entraînés par la dynamique du progrès technique et social, pervertis de sophistication, auraient perdues.
Cette quête est aussi celle d'une richesse, d'une profondeur que l'homme moderne, en muselant ses sentiments et sa spontanéité, a annihilées.
C'est, enfin, la quête d'une harmonie entre le corps et l'esprit, de la sérénité que procure l'acceptation de ses désirs sincères et de ses pulsions.
Une autre des particularités des romans que j'ai lus de David Herbert Lawrence, c'est qu'ils mettent en scène, bien souvent, une héroïne... comme si l'auteur trouvait que les femmes -ou du moins certaines d'entre elles- possédaient une sensibilité moins pervertie par les artifices et les diktats des conventions sociales que les hommes. De plus, leur indépendance d'esprit et leur intelligence en font des héroïnes résolument modernes.
Toujours est-il qu'une fois de plus, j'ai été séduite par la richesse de son texte, par la précision et la justesse avec lesquelles il analyse les rapports entre ses personnages, ainsi que les états d'âme et les questionnements de sa principale protagoniste.
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