Il s'agit là d'une lecture que je pourrais presque dire « de travail » car liée à ma récente implication dans l'activité de l'association des Amis du musée de ma petite ville. L'année 2013 correspondra au 300e anniversaire de la naissance de Jean Godin des Odonais, né et mort à Saint-Amand-Montrond, qui joua un rôle modeste dans une expédition géodésique à laquelle il n'eut l'occasion de participer que parce qu'il était un parent de l'un des trois savants envoyés en Amérique, Louis Godin. Les autres acteurs secondaires de cette expédition, Couplet, Hugot, Morainville, Séniergue, Verguin, ont été oubliés. Jean Godin des Odonais, lui, est resté dans les mémoires grâce à sa femme, épousée sur place, dans ce qui est aujourd'hui l'Equateur, et qui vit mourir ses trois servantes, ses deux frères et le neveu qui l'accompagnaient lorsqu'elle entreprit de traverser l'Amazonie pour rejoindre son mari en Guyane française après vingt-quatre ans de séparation.
Au début du XVIIIe siècle, s'ouvrit un débat sur la « figure » de la Terre. Newton, par des considérations théoriques basées sur les lois de la pesanteur, estimait qu'elle devait être légèrement aplatie aux pôles. Les Cassini, père et fils, géographes, à la suite de leurs nombreuses mesures en France, pensaient qu'elle devait être légèrement renflée aux pôles. Louis Godin, de l'Académie des sciences, conçut le projet, pour trancher la question, d'aller mesurer la valeur d'un arc de méridien terrestre à l'Equateur. Le lieu choisi fut une région de l'Amérique espagnole qui devait appartenir plus tard à la République de l'Equateur. L'Académie lui adjoignit Pierre Bouguer et Charles-Marie de La Condamine ; s'y ajouta le naturaliste Joseph de Jussieu, tandis que le roi d'Espagne désignait deux officiers espagnols pour les accompagner.
Florence Trystram nous décrit les péripéties de l'expédition, dont l'objectif devint moins important lorsque Maupertuis, Clairaut, Camus, Le Monnier et l'abbé Outhier, aidé par Celsius, revenus d'une expédition en Laponie pour mesurer la valeur d'un arc de méridien terrestre aux hautes latitudes, eurent confirmé l'aplatissement de la Terre aux pôles. Les académiciens décidèrent pourtant de poursuivre leur travail, encore compliqué par les dissensions qui s'élevèrent entre eux. Pierre Bouguer sera le premier à revenir à Paris en passant par Carthagène, Paris où il arrive le 27 juin 1744. Il sera donc le premier aussi à communiquer les résultats de ses mesures, La Condamine, qui a traversé le continent sud-américain en descendant l'Amazone, arrivant à Amsterdam le 30 novembre 1744, trois jours seulement après la communication de Bouguer en séance solennelle à l'Académie. Louis Godin sera radié de l'Académie pour avoir accepté un poste de professeur à Lima et deviendra à son retour en Europe directeur de l'Académie des gardes-marines à Cadix. Le livre où il rend compte de ses observations ne sera jamais publié, ni en France, ni en Espagne, et ses papiers disparaîtront après sa mort.
Dans ce livre destiné au grand public, Florence Trystram a fait le choix d'une écriture très (trop?) romanesque. Mais sur ce sujet, c'est d'abord une thèse d'histoire des sciences qu'elle a écrite, avec l'aide du professeur Jacques Roger, de l'université de Paris I. J'avoue que c'est sa thèse que j'aimerais consulter, mais l'accès aux bibliothèques de Paris I est réservé aux étudiants et au personnel de l'université. J'espère qu'il me sera possible d'obtenir une dérogation.
Une inexactitude à relever : pour Florence Trystram, Jean Godin des Odonais, à son retour en Europe, se retire sur la propriété familiale en Normandie. En fait, la propriété familiale est à Saint-Amand-Montrond, petite ville relevant à cette époque à la fois du Berry et du Bourbonnais.
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