Les éditions des Falaises reviennent à la parution initiale en feuilleton dans le mensuel
Je sais tout, de novembre 1908 à mai 1909, du roman de Maurice Leblanc (1864-1941),
L’Aiguille creuse, troisième aventure d’Arsène Lupin [si on en exclut la pièce de théâtre éponyme] après
Arsène Lupin, gentleman cambrioleur (1907) et
Arsène Lupin contre Herlock Sholmès (1908) [rendant furibard Conan Doyle au passage car son détective fétiche y est ridiculisé]. Hormis les lecteurs du journal du début du XXe siècle, la présente édition donne à lire aujourd’hui un texte inédit puisque les « éléments sur l’histoire de la Normandie » y figurent ainsi que le « découpage du récit et les titres des chapitres » qui avaient pu être supprimés dès la première édition en librairie. Les intertitres sont repris de même que les très belles illustrations de Maurice Mahut. Le présent livre constitue donc pour les « lupinophiles » l’exhumation somptueuse d’une œuvre mythique [les touristes à Etretat se posant toujours la question de savoir si l’Aiguille d’aval est creuse].
La trame du roman est connue. Le grand monolithe d’Etretat est creux et contient les trésors des rois de France. Arsène Lupin en a découvert le secret et est détenteur du « plus fabuleux trésor jamais imaginé ». Malheureusement pour le gentleman cambrioleur, il va avoir maille à partir avec un jeune homme brillant, Isidore Beautrelet, élève de rhétorique et détective amateur. Beautrelet n’est pas encore totalement adulte. Il conserve les intuitions de l’enfance. Lupin va être malmené par un esprit aussi agile, intelligent et perspicace que le sien alors que Ganimard, détective de la police française sera toujours à la ramasse.
Maurice Leblanc a pu regretter de n’être connu qu’à travers son illustre personnage au point de vouloir le supprimer dans le roman suivant,
813 (1910) ; il le ressuscitera deux ans plus tard dans
Le bouchon de cristal (1912) puis dans vingt et un autres romans jusqu'à
La Cagliostro se venge (1935). Pourtant, il n’y a pas à douter, l’œuvre est vivifiante et inspirante (Gaston Leroux,
Rouletabille ou Souvestre et Allain,
Fantômas) et plus prosaïquement pour les modestes lecteurs arpentant les terres et les falaises cauchoises à la recherche de l’esprit des lieux (Etretat, Bénouville, la valleuse du Curé avec son extraordinaire chemin d’accès à la mer taillé dans la falaise, aujourd’hui effondré et totalement digéré par la mer, le pont de Tancarville, Port Lupin, etc.) [voir le
Dictionnaire Arsène Lupin / Jacques Derouard, Encrage, 2001]. Comment ne pas rêver avec bonheur quand on lit que les pistes reliant les sept abbayes du pays de Caux dessinent la Grande Ourse et amène à l’étoile d’Alcor ? Comment ne pas marcher de concert avec l’Arsène quand on remarque qu’ : « il marchait d’un pas élastique, se soulevant un peu plus qu’il n’eût fallu sur la pointe des pieds, comme s’il exécutait un mouvement de gymnastique. Et, de fait, à chaque pas du pied gauche, correspondait une profonde inspiration de la poitrine qui semblait doubler la capacité d’un thorax dont l’ampleur était déjà remarquable. » Le ton primesautier et sautillant de Maurice Leblanc a du souffle et le grand large ouvert devant. Maintenant et demain, on embarque, toute voile dehors.
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