[Tout est illuminé | Jonathan Safran Foer, Jean-Pierre Carasso, Jacqueline Huet]
C'est l'histoire de Jonathan, un jeune juif américain qui part en Ukraine pour y rechercher d'éventuels survivants de la famille qui sauva son grand-père des nazis.
C'est aussi l'histoire d'Alex, un jeune ukrainien qui économise tout le "numéraire" possible pour réaliser son rêve : partir aux États-Unis avec son petit frère Mini-Igor, et fuir un père violent qui ne l'a jamais compris. En attendant, Alex, qui fait office de traducteur, accompagne Jonathan dans son périple.
Mais c'est aussi l'histoire d'un shetl - en yiddish, grand « village » juif d'Europe de l'Est avant la Seconde Guerre mondiale- du nom de Trachimbrod, de 1791 à 1942, date à laquelle il fut anéanti par les SS.
Et puis c'est aussi l'histoire d'ancêtres fabuleux, d'aïeux minés par d'inavouables secrets, d'un grand-père qui revendique une totale cécité mais qui conduit une auto, d'une chienne baptisée Sammy Davis Junior Junior -et non, ce n'est pas une faute de frappe- mentalement dérangée, dont les flatulences intempestives exhalent d’innommables remugles...
C'est un roman cocasse, dans lequel Alex relate les tribulations ukrainiennes du quatuor (composé de lui-même, de Jonathan, du vieillard aveugle et néanmoins chauffeur, de la chienne pestilentielle) en quête d'Augustine, la jeune fille d'une photographie prise plus de cinquante ans auparavant, qui aurait contribué au sauvetage du grand-père de Jonathan.
C'est aussi un roman épique, dans lequel Jonathan imagine et retrace, avec une fantaisie et une férocité réjouissantes, les événements qui ponctuèrent le quotidien de Trachimbrod, à partir de la fin du XVIIIème siècle, période qu'il imagine être celle de l'apparition dans le village de l'une de ses ancêtres.
Et c'est aussi un roman épistolaire, constitué des lettres qu'Alex envoie à Jonathan, dans lesquelles il donne son avis sur les pages du manuscrit -contant l'histoire du Shetl- que l'écrivain lui adresse au fur et à mesure de son élaboration.
Jonathan Safran Foer a fait preuve d'ambition et d'exigence dans l'élaboration de son premier roman, "Tout est illuminé". En alternant non seulement différents modes narratifs, mais aussi différentes époques, il embarque le lecteur sur plusieurs récits parallèles dont les points de convergence se dévoilent peu à peu. De ce point de vue, il a selon moi gagné son pari : malgré la complexité de la trame, on s'adapte assez vite aux changements de narrateur et d'histoire.
L'auteur maîtrise parfaitement la construction de son intrigue, utilise intelligemment détails et particularités qui permettent de nous familiariser rapidement avec l'ensemble de ses personnages d'hier et d'aujourd'hui.
Je dois en revanche avouer que j'ai éprouvé à la lecture de ce roman un plaisir fluctuant au rythme des différentes parties qui le composent...
Autant j'attendais avec impatience de retrouver celles qui évoquent la truculente destinée du village de Trachimbrod et de ses pittoresques habitants, autant les passages dont Alex est le narrateur (y compris et surtout ses lettres) m'ont parfois lassée. Il faut dire que Jonathan fait s'exprimer le jeune ukrainien dans un anglais lacunaire et maladroit, qui lui permet certes de colorer son texte d'humour (certaines expressions sont prises au pied de la lettre, des mots sont utilisés à mauvais escient) mais le procédé finit par souffrir de lourdeurs.
Ceci dit, au regard de la multiplicité des thèmes abordés (parce que, mine de rien, derrière le ton comique et les situations burlesques, il est question d'amour, d'amitié, d'Histoire, de quête d'identité, de l'importance -ou pas- des racines, et j'en oublie sûrement...) et de la richesse narrative de ce qui est, rappelons-le, un premier roman, j'ai dans l'ensemble été plutôt impressionnée par "Tout est illuminé".
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