J'ai découvert le nom de Tzvetan Todorov dans les années 70, lorsque je me suis informé sur la linguistique, que je n'avais jamais abordée dans mon parcours scolaire. Aujourd'hui c'est un presque voisin, résidant dans une petite commune proche de la mienne, et qui a d'ailleurs co-écrit un petit livre sur un épisode d'histoire locale avec un maire (devrait-on dire une mairesse?) des environs.
Il évoque tout d'abord l'amour de la lecture qu'il a développé dès son enfance bulgare, et qui l'a conduit à choisir de faire des études universitaires de lettres, le fait que pour ne pas avoir à peser les œuvres selon leur conformité ou non à l'idéologie marxiste-léniniste il se soit plutôt dirigé vers l'étude des formes linguistiques de la littérature. Bénéficiant à la fin de ses études de la possibilité de passer un an en Europe de l'Ouest, il choisit Paris où il fera finalement carrière au CNRS et deviendra citoyen français. Libéré du carcan idéologique de son pays d'origine, il perdra son intérêt exclusif pour la matière verbale des textes.
A la lecture des textes officiels sur l'enseignement de la littérature, il constate que cet enseignement porte sur les concepts forgés par l'analyse littéraire pour aborder les œuvres, et non sur le sens des œuvres elles-même, le monde qu'elles évoquent. Il estime qu'une vision formaliste de la littérature règne aussi chez les critiques littéraires, voire chez beaucoup d'auteurs.
Selon Aristote, la poésie est une imitation de la nature, et d'après Horace, sa fonction est de plaire et d'instruire. Tzvetan Todorov nous retrace par quelles étapes s'est constituée la thèse toute opposée selon laquelle « … la littérature n'entre pas en relation significative avec le monde, et que par conséquent son appréciation n'a pas à tenir compte de ce qu'elle nous en dit... »,
Lui défend l'idée que « … Penser et sentir en adoptant le point de vue des autres, personnes réelles ou personnages littéraires, est l'unique moyen de tendre vers l'universalité... C'est pourquoi il faut encourager la lecture par tous les moyens – y compris celle de livres que le critique professionnel considère avec condescendance, sinon avec mépris, depuis Les trois mousquetaires jusqu'à Harry Potter... » Puis, revenant à l'enseignement, il conclut : « … L'analyse des œuvres à l'école ne devrait plus avoir pour but d'illustrer les concepts que vient d'introduire tel ou tel linguiste, tel ou tel théoricien de la littérature, et donc de nous présenter les textes comme une mise en œuvre de la langue et du discours ; sa tâche serait de nous faire accéder à leur sens – car nous postulons que celui-ci, à son tour, nous conduit vers une connaissance de l'humain, laquelle importe à tous... Toutes les « méthodes » sont bonnes, pourvu qu'elles restent moyen au lieu de devenir fin en soi... »
Un livre court, simple, intelligent.

----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur Wikipedia]