[Paléogéographie d'un territoire : la cité des Bituriges Cubi | Anne Maussion]

Certains ouvrages historiques marquants portent à la connaissance de tous les recherches réalisées à l'occasion de la soutenance d'une thèse de doctorat. Mais de nombreuses thèses restent ignorées du grand public. Le site http://tel.archives-ouvertes.fr donne libre accès à toutes celles que leurs auteurs acceptent d'y archiver. Actuellement, plus de 25 000 documents en texte intégral y sont répertoriés, concernant tous les domaines de recherche. Le domaine « Sciences de l'Homme et Société » comprend plusieurs thèses d'archéologie ou d'histoire en rapport avec ma région, le Berry. La première que j'ai lue est intitulée « Paléogéographie d'un territoire : la cité des Bituriges Cubi », thèse soutenue en 2003, par Anne Maussion, pour l'obtention du titre de docteur de l'Université Paris I, en archéologie, sous la direction d'Olivier Buchsenschutz (qui a conduit des fouilles à Bourges et à Levroux).
L'originalité du travail d'Anne Maussion est d'avoir retenu comme cadre géographique l'ensemble du territoire des Bituriges Cubi (beaucoup d'études adoptent l'échelle d'une microrégion, ou bien, par commodité, l'échelle des divisions administratives actuelles : département, canton, commune). La cité des Bituriges Cubi était entourée par celles des Carnutes, au Nord (chef-lieu Cenabum, aujourd'hui Orléans), des Turones, au Nord-Ouest (chef-lieu non connu), des Pictones, à l'Ouest, (chef-lieu Lemonum, actuellement Poitiers), des Lemovices, au Sud, (chef-lieu supposé Durotincum ),des Arvernes au Sud-Est, (chef-lieu Gergovia), des Eduens, à l'Est, (chef-lieu Bibracte), et des Sénons au Nord-Est (chef-lieu Agedincum, aujourd'hui Sens).
Dans le cadre du Projet Collectif de Recherches sur « l'occupation du sol chez les Bituriges Cubi (500 avant - 500 après J.-C.) » dirigé par Olivier Buschenschutz (le directeur de thèse d'Anne Maussion) et par Françoise Demasy, c'est à Françoise Demasy qu'il est revenu de restituer les limites de la cité antique. Les historiens acceptent généralement l'idée que les diocèses écclésiastiques se sont constitués au cours du IVème siècle de notre ère en s'inspirant des limites antiques. Dans un premier temps, une carte précise du diocèse de Bourges a pu être élaborée à partir des éléments réunis par Guy Devailly pour sa publication de 1973, « Le diocèse de Bourges ». Dans un second temps, ce tracé a été confirmé par les indices antiques relevés par Françoise Demasy. Le territoire des Bituriges Cubi est essentiellement constitué des départements du Cher et de l'Indre, ainsi que de la plupart des communes du Nord de l'Allier ; il comprend également sur son pourtour des communes appartenant aux départements du Loiret, du Loir-et-Cher, de la Haute-Vienne, de la Creuse et du Puy-de-Dôme.
Aujourd'hui, l'usage d'outils informatiques (pas seulement de matériel informatique) s'est imposé dans toutes les disciplines. Pour ses recherches, Anne Maussion a utilisé un SIG (Système d'Information Géographique) reposant sur l'utilisation d'un logiciel nommé « Arcview ». Dans un premier temps, il s'agit d'enregistrer des « couches » de données, comme autant de cartes thématiques, à partir desquelles le logiciel pourra ensuite tracer des cartes et effectuer des calculs. Par exemple, à partir des altitudes des noeuds d'un quadrillage du terrain de 50 mètres de côté et à partir des emplacements de sites d'habitat gallo-romains, il a été possible de déterminer la vue qu'ont pu avoir plusieurs de ces habitats sur le cours du Cher, ou bien l'un sur l'autre.
Pour Anne Maussion, il s'agissait de tenter de cerner, pour la première fois à l'échelle de l'ensemble de ce territoire antique, les grandes tendances de l'implantation des habitats ruraux, qu'elles relèvent du milieu physique ou de contraintes liées à la géographie humaine.
Au point de vue chronologique, elle a été amenée à se limiter à la période gallo-romaine car les sites relevant de la période proto-historique étaient d'une part bien moins nombreux, d'autre part plutôt des sites funéraires que des établissements ruraux à proprement parler.
Le premier apport de son travail a été de confirmer que sa démarche était réalisable à une échelle qui est parfois plus considérée comme celle de l'historien au sens strict que celle de l'archéologue. D'autre part, l'influence nette de certains facteurs a été révélée. Les agglomérations, et certaines étapes routières, ont visiblement polarisé l'habitat rural antique. De même, les proportions de sites installés au voisinage des cours d'eau incitent à penser que ces zones ont été particulièrement appréciées. Les bassins versants ont pu être pris en considération lors de la création de villae. Apparemment, les habitats ruraux ont également tenu compte de la configuration du réseau des voies terrestres et de l'exposition des versants.
Enfin la distribution naturelle des différents types de sols a pesé de façon particulièrement marquée sur la répartition des habitats ruraux gallo-romains. En revanche, ces derniers sont apparus indifférents à la présence des sources et à l'intensité des pentes, sauf, localement, à l'intérieur des régions naturelles les plus accidentées du territoire (Sancerrois, Bourbonnais).
Du point de vue de l'organisation des exploitations agricoles, on retrouve le plus souvent des sols variés et complémentaires associés aux environs des sites, et plus spécifiquement autour des établissements de type villa.
Anne Maussion termine en exprimant le souhait que son approche soit poursuivie sous la forme d'allers-retours continus entre opérations de collecte de données (prospections, études de mobilier, études typologiques à partir des plans de bâtiments...) et nouvelles phases d'analyse spatiale et combinée de ces données.

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