Un roman épatant de Nicolas Fargues. John , la cinquantaine avancée, un peu revenu de tout, entrevoit avec délectation ces longs mois d'été dans la maison familiale du Cotentin ; la mer , les plages toutes proches, les embruns iodés et les ciels à la Boudin. Il va pouvoir enfin se mettre à son roman, son "grand" roman qu'il ambitionne d'écrire loin , de Paris, loin des faux-semblants de la capitale, loin de Sodome et Gomorrhe n'est-il pas loin de penser....
Sauf que rien ne va aller comme il le pensait. Tout d'abord la panne d'inspiration. Ses méninges sont en surchauffe, il convoque tous les grands de l'écriture. Peine perdue. Il se raccroche alors aux petits impédimentas de la vie quotidienne qui , péniblement, lui donnent une première phrase... qu'il se repasse dans son cerveau un nombre incalculable de fois , n'arrivant jamais à enchaîner sur la seconde...Là le lecteur se dit que le Nicolas il est malin ! John c'est lui ! sa maison d'édition lui avait donné un " à valoir" sur son prochain roman et tout Mr Fargues qu'il est, auteur très estimé avec de beaux succès de librairie, il n'est pas à l'abri du trou noir de l'inspiration ! donc pourquoi ne pas se mettre en scène cherchant soi-même un sujet de roman ! Ah mise en abyme quand tu nous tiens !
Et s'il n'y avait que ça.
Les impédimentas que John convoquait avec impatience vont arriver à la vitesse d'une tempête sur le cap de La Hague. D'abord la famille : Mary, sa fille, s'invite dans le doux repère avec son compagnon Hubert , rock-star au petit pied. Dans ses bagages une vénéneuse italienne qui ne laisse pas indifférent les 55 ans de John. Puis sa première femme s'invite sous un futile prétexte. Cela donne à John le prétexte à un festival de goujateries réjouissant.
Et s'il n'y avait que ça.
Tout le Cotentin semble s'être ligué contre le beau projet de John. Ses voisins qui le harcèlent pour obtenir l'autorisation de percer une fenêtre dans un mur de leur maison "pour voir la mer nous aussi " , le député du coin (que l'on sent très ...UMP même si cela n'est dit) qui fait dans le "greenwashing" en sponsorisant le ramassage des ordures sur les plages, un journaliste télévisuel qui commet un roman alimentaire que John prend un malin plaisir à descendre en flamme lors d'une "party". Des jeunes beurs du 9.3 que l'entreprise de retraitement de déchets nucléaires du coin (tient c'est marrant on pense à la Cogéma...) , recrutent pour une opération très médiatique de plantages de...haies. On l'aura compris la panne d'inspiration de John (Nicolas ?) est l'occasion pour Nicolas Fargues de donner cours à son grand talent de portraitiste. Ses livres précédents en témoingnent, il excelle dans le raccourci venimeux et explicite.
Tout ce beau monde va en prendre pour son grade : les bobos parisiens,les politiques de conviction à géométrie variable,les prolos obtus, les intellos de gauche qui virent Sarko, les serviteurs des médias mangeant à tous les rateliers, les femmes libérées, bref tous les acteurs de l'air du temps.
Le style est "Farguien". Beaucoup de dialogues percutants. Plus vrais que vrais. Fargues à le chic pour saisir les tics de l'époque (j'ai bien aimé le "padesouçis" d'un cadre de la "Cogema" qui me rappelle un de mes collègues qui utilise ce gimimck à tous propos ).
Vous l'aurez compris j'ai aimé ce livre (pour moi un des meilleurs de Fargues dont j'ai du lire déjà quatre ou cinq ouvrages). Un roman qui me semble aussi "très" français. Légèreté, humour, un léger désenchantement.....une certaine gravité....
Un "Roman de l'été" à lire en toute saison , surtout en celle-çi brumeuse et pluvieuse. Il réenchantera votre hiver !
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