« Mon Dieu il me semble bien être vivante dans ma tombe. » (p. 43)
Vida Izzara est une femme un peu perdue, qui ne sait pas où est passé sa vie. Originaire d'Irogoy, la "terre d'en bas", zone pouilleuse et désolée, peuplée de créatures aux visages de chien, elle s'est hissée par son mariage avec le riche Gustavo jusqu'à la "terre d'en haut", Villanueva, et ses somptueuses maisons huppées asphyxiantes. Dans sa cage dorée, Vida contemple la vacuité de son existence et s'étiole peu à peu, surtout depuis que sa fille unique, Paloma, s'est enfuie avec Adolfo, le jardinier. Paloma et Adolfo squattent les maisons inoccupées de la colline Dollars, une manière de narguer leurs vies antérieures. Mais le lieutenant Taïbo, flic placide et mélancolique qui enquête sur ces étranges clandestins, rencontre Vida et met ses pas dans les siens, telle une ombre de plus en plus familière et sensuelle...
On retrouve dans ce roman le phrasé si particulier, un peu déconcertant, de Véronique Ovaldé : une écriture pleine d'étrangeté, des phrases amples dans lesquelles s'insèrent de multiples parenthèses, un style parfois "flou"... Le tout donne une impression d'étrangeté, de flottement entre rêve et réalité, et de gaieté, malgré l'âpre destin des personnages.
On retrouve aussi une certaine typologie de personnages, des caractères féminins volontaires, animés par leur quête d'un idéal : une mère, une fille, et leurs choix de vie. Mère et fille, chacune à sa manière, par la grâce d'un nouvel amour, est conduite à se défaire de ses anciens liens (conjugaux, familiaux, sociaux) pour éprouver sa liberté d'exister. Mais une fois de plus, comme dans le précédent roman de Véronique Ovaldé,
Ce que je sais de Vera Candida, cet affranchissement n'est finalement atteignable qu'avec le secours d'un homme, ce qui est tout de même assez restrictif comme moyen d'émancipation !
On retrouve enfin les thèmes récurrents chers à Véroniques Ovaldé : lutte des classes, lutte des sexes, lutte des générations, transmission de mère à fille, soumission volontaire et conquête de la liberté.
Des vies d'oiseaux retisse donc, mais en mode mineur, des motifs déjà rencontrés dans
Ce que je sais de Vera Candida. C'est roman tout aussi sombre et dur que le précédent, mais bien moins fantaisiste, et qui laisse une impression de désenchantement, malgré le final plutôt positif.
le cri du lézard