Il fallait bien que cela arrive...
Après la première rencontre et les fougueux ébats amoureux qui s'ensuivent ("Nefertiti dans un champ de canne à sucre"), l'installation en couple, l'expérience bouleversante de la paternité ("Le cosmonaute"), les joies de la vie de famille ("Plage de Manacorra, 16h30"), Titus/Hector/Voltaire (entre autres!) est rattrapé par la crise de la quarantaine...
Une banale -mais énième- dispute motivée par une broutille, un mot plus haut l'autre lancé par sa maniaque d'épouse, et le voici qui claque la porte du domicile conjugal, en route pour quelques jours d'errance pendant lesquels il va toucher le fond. Déprimé, perdu, notre héros renoue avec ses habitudes de jeune célibataire insouciant, traînant de bar en bar, se saoulant jusqu'à l'aube avec des compagnons de beuverie parfois bien misérables, flirtant avec une jeunette impressionnée par son statut d'écrivain. Mais ce qui, à vingt ou trente ans, pouvait passer pour le comportement d'un homme à l'esprit festif ou bohème devient à quarante ans symptomatique d'un profond désœuvrement.
Ah, au fait, cette fois notre héros se prénomme Serge, mais tout le monde l'appelle Bix, et après tout peu importe, car c'est finalement toujours le même personnage que l'on retrouve d'un roman de Philippe Jaenada à l'autre. L'évocation de certains souvenirs, la présence récurrente d'objets familiers (tel le célèbre sac matelot qui doit maintenant être usé jusqu'à la corde), sont autant d'indices qui jalonnent ses récits et permettent de faire le lien de l'un à l'autre.
Et surtout, on peut reconnaître notre homme à quelques-uns de ses traits de caractère : sa touchante maladresse, son humilité et son sens de l'auto-dérision grâce auxquels il sait nous émouvoir et nous faire rire à la fois.
Sans doute est-il plus attachant que jamais, dans "La femme et l'ours". En proie au questionnement sur le sens de sa vie, sur les satisfactions qu'elle lui apporte, et comme ayant soudainement pris conscience de la fragilité des bases sur lequel il a construit son existence, il paraît extrêmement vulnérable. Il se reconnaît à peine lui-même, ses désillusions l'effarent, et il constate avec tristesse qu'il semble avoir perdu sa légèreté, et, pire, "l'amour des gens qu'il avait avant".
Alourdi par cet énorme coup de spleen, Bix est moins drôle que ses alter ego. J'ai pourtant parfois souri, à la lecture de "La femme et l'ours", parce que Philippe Jaenada sait toujours transformer certaines situations dramatiques en moments cocasses, et faire une péripétie d'un détail a priori insignifiant, et puis malgré tout, je ne peux pas m'empêcher d'avoir du plaisir à le retrouver...
Mais je dois bien avouer que j'ai trouvé le récit parfois laborieux, la fin bâclée, et là où certains verront peut-être un signe de maturité littéraire (l'auteur fait notamment usage des parenthèses et des digressions avec modération, comparé à d'habitude), je déplore en ce qui me concerne la perte partielle de ce qui faisait pour moi le charme de ses romans.
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