[La Théorie des cordes | José-Carlos Somoza, Marianne Millon (Traducteur)]
Si dans
La Caverne des idées Somoza avait affronté la problématique du sens caché du texte (image eidétique) dans un contexte de philosophie platonique - et en en adoptant le langage -, et dans
Daphné disparue il s'était attelé à la poétique de la fiction dans une perspective structurale, dans ce roman-là il s'est essayé à un certain détournement de la science-fiction vers là où elle est tangente du genre thriller psychologique.
Pas de boucles étranges dans cette Théorie des cordes, ni de complexité de structure en général, mais un constant suspense dans l'horreur, qui en constitue la principale qualité. J'ai également apprécié l'épaisseur des personnages et surtout la chute inattendue (que je distingue de la fin ouverte).
En effet, dès que s'installe la certitude de l'apparition, au-delà du rêve subjectif de certains personnages, de Zigzag, avatar monstrueux de l'expérience scientifique d'ouverture des cordes du temps passé, lequel n'est pas sans faire penser au mythe biblique du Golem et qui s'inscrit entièrement dans nos peurs archétypales de Homo sapiens, ainsi que dans nos débats bientôt centenaires sur l'éthique de la science, il eût été facile de l'associer au personnage humain le plus antipathique, celui de Ric Valente, plutôt qu'à... son opposé.
De là, la question se pose donc du statut de cet emblème du Mal venant d'un acte de hybris - scientifique de surcroît. L'idée d'une parenté entre Zigzag et l'inconscient de... quiconque, et donc du lien entre physique théorique subatomique (je ne suis pas sûr qu'on puisse parler précisément de physique quantique) et psychanalyse est explicitée à plusieurs reprises. Cette substance est juteuse.
Le reproche que j'adresse au roman (et je constate que je ne suis pas le seul), c'est donc de ne pas avoir analysé davantage cet aspect, de n'avoir pas suffisamment explicité le côté physique et ontologique de Zigzag ; d'autant plus que, si l'on peut le faire nous-mêmes sur la théorie des cordes dans des livres de vulgarisation scientifique, il est impossible d'en faire autant pour ce personnage de fiction - qui reste donc plus une image qu'une idée, pour l'exprimer par des termes platoniciens que Somoza aimerait sans doute... Mais je continuerai peut-être d'y songer, et cela, d'un roman, n'est pas un moindre mérite. Ma curiosité pour l'auteur n'est sort pas décrue...
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