Bonjour Amiread,
par "cadres de référence concrets", j'entends principalement les références au terrain d'enquête clinique : quelles entreprises/administrations ? quel niveau d'organisation ? durée, méthodologie, dates... ? J'ai trouvé qu'en parlant de souffrance au travail, l'essai aurait été plus persuasif en fournissant un minimum d'étude de cas.
Mais je me rends compte avec un peu de recul que l'auteur a surtout voulu répondre à la question : "comment pouvons-nous accepter
d'infliger de la souffrance à nos collègues ?", avant même qu'à : "comment pouvons-nous la supporter comme victimes ?" - bien que les deux soient intimement liées. En effet l'organisation du travail provoque autant la déresponsabilisation que la "banalité du mal". D'où l'apport théorique d'Arendt qui, rappelons-le quand même, parlait du peuple allemand face à la Shoa. Ce qui peut sembler qualitativement et quantitativement incomparable... et pourtant...
Il est donc évident que l'ambition du livre dépasse considérablement celle des nombreux ouvrages de dénonciation des conditions d'aliénation au travail et du burn out. Il n'idéalise pas non plus "les mécanismes qui font tourner la machine sociale" : qui peut honnêtement le faire, d'ailleurs... ? mais au contraire il révèle des pratiques profondément perverses en ce qu'elles mobilisent l'inconscient des travailleurs (notamment leurs PEURS, mais aussi des confusions sur la VIRILITE), à des fins plutôt ignobles.
Je ne connais pas le livre de Simone Veil que tu évoques. Je crois n'avoir même jamais rien lu d'elle
. Il me semble cependant pouvoir être en désaccord avec ta dernière phrase : "Rien n'a changé". Je dirais au contraire que
tout a changé grosso modo ces 20 dernières années, avec l'introduction des nouvelles méthodes de RH telles la "qualité totale", les "espaces ouverts", le "just in time"... et en général avec une acceptation diffuse et quasi incontestée des principes du néolibéralisme.