C’est sans complexe que Sonchaï Jitpleecheep assume sa double casquette d’inspecteur de police et de gérant du bordel qu’a monté sa mère dans le quartier chaud de Bangkok, où elle exploite les possibilités offertes par le viagra auprès d’une clientèle d’occidentaux sur le retour.
Les ennuis commencent lorsque Chanya, l’une des filles les plus "rémunératrices" de l’établissement –l’Old Man’s bar-, y fait irruption recouverte du sang de son dernier client, un G.I dont le cadavre émasculé et partiellement écorché commence déjà à empuantir la chambre d’hôtel qui fut le théâtre de leurs ébats.
Le colonel Vikorn, supérieur de Sonchaï et accessoirement actionnaire de l'Old Man's bar, prend rapidement les choses en main afin de mettre la jeune femme hors de cause. Il prévoit en dernier recours d'orienter l'enquête que ne manqueront pas de mener les américains sur la piste d'Al Qaïda, ce qui lui paraît hautement opportun en cette période post 11 septembre, et compte tenu de la surveillance dont font l'objet les communautés musulmanes sud-thaïlandaises.
"Bangkok Tatoo" propose au lecteur un heureux mélange d’exotisme et d’intrigue : les filles y sont sensuelles et intelligentes, les rues de Bangkok, grouillantes et odorantes, l'évolution et les rebondissements de l'enquête menés avec rythme.
Mais le charme de ce roman réside surtout, à mon avis, dans le sens de l'humour dont fait preuve le facétieux John Burdett.
Sonchaï est le narrateur, qui apostrophe le lecteur, lui expliquant à l'occasion les subtilités de la culture thaïlandaise. C'est un moyen pour l'auteur de se moquer -mais plutôt gentiment- des occidentaux, dont il oppose le comportement, nourri d'angoisses et d'un sentiment de culpabilité quasi permanent, à l'attitude philosophe et flegmatique du peuple asiatique. La corruption, la prostitution, notamment, qui passent à nos yeux puritains et moralisateurs pour de terribles maux, sont considérés à Bangkok comme des moyens de gagner sa vie et d'honorer ses responsabilités matérielles vis-à-vis de sa famille, sans être entachés du sceau de l'infamie.
Même les tabous diffèrent entre les deux cultures : les thaïlandais paraissent ignorer la notion de péché, et toutes les barrières -sexuelles, psychologiques- qui en découlent. En Orient, rien n'est plus important que de sauver la face. Et il vrai que l'impassibilité dont Sonchaï et ses semblables ne semblent jamais se départir, ainsi que la sagesse d'esprit qui les caractérise, accentuent l'aspect souvent ridicule, maladroit, voire infantile, des personnages d'occidentaux que met en scène John Burdett.
Le trait est certes parfois un peu forcé, l'antinomie opposant les deux univers sans doute caricaturale, mais il me semble qu'il s'agit là davantage d'une volonté consciente de l'auteur que d'une maladresse de sa part.
Et puis pour compenser, il n'hésite pas à affubler son narrateur lui-même de certaines contradictions qui prêtent à sourire...
Par conséquent, qui s'en plaindrait ?
L'ensemble est enlevé et très agréable, et on passe en compagnie de l'inspecteur Jitpleecheep un excellent moment !
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