[Même pas drôle : Philippe Val : de Charlie Hebdo à Sarkozy | Sébastien Fontenelle]

Retracer à grands traits l’itinéraire intellectuel de Philippe Val, depuis la direction du journal satirique Charlie Hebdo à celle de la radio nationale France Inter, relever ses contradictions et ses revirements est un exercice assez périlleux qui demande de recouper et d’étayer ses sources. Sébastien Fontenelle, journaliste à Politis [journal membre fondateur de l’association Attac] et à CQFD [journal de critique et d’expérimentation sociales], dans son entreprise d’élucidation du cheminement d’un homme étonnant, mène très bien sa barque et son propos. Le ton est mesuré. L’écriture est concise et précise. Les faits sont charpentés, citations à l’appui et sources en bas de page. On peut effectivement mesurer le parcours de « Philippe V. » et s’étonner de ses habiles sauts d’obstacles sémantiques et idéologiques afin d’atteindre ses buts, trôner à France Inter, renvoyant les bouffons du roi, potentiels bretteurs et s’attirant encore et toujours les critiques de tout bord politique. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de lire cette mise au net « même pas drôle », hélas, pour s’étonner de l’ascension dudit Val au sommet d’un grand média, le lecteur ne peut s’empêcher de lire, d’éprouver le propos et d’approuver la réflexion qui s’ensuit une fois la dernière page reposée. Pourtant, une telle lapidation provoque d’inévitables démangeaisons chez le lecteur autrefois assidu aux éditos de Charlie Hebdo. Il est difficile d’oublier les enthousiasmes et les combats intellectuels de Val contre Pasqua, Le Pen, de Villiers et toute la clique à claque du showbiz politique des années quatre-vingt-dix. Le journal d’alors reposait largement sur ses épaules et les talents fédérés dans cette entreprise à haut risque étaient époustouflants. On y trouvait les meilleurs dessins de presse avec Riss, Luz ou Lefred-Thouron. Gébé, Cavanna, Polac avaient leurs mots justes à dire et c’était grand plaisir de les entendre. Les virages de l’éditorialiste sont ensuite devenus éloquents et déconcertants. On reste abasourdi par la hargne et le fiel de Val à l’égard de nombreux journalistes courageux mais dérangeant le business de ce drôle de coco à l’exemple de l’acharnement dont Serge Halimi fera les frais mais la liste est à rallonge. Il est évident que Sébastien Fontenelle sait ce que les mots valent et pèsent. Il ne tire pas sur l’ambulance mais rue dans les brancards en toute connaissance de cause afin de démasquer l’imposture. Val acquiert la taille d’un microbe actif mais au bout du compte très probablement insignifiant. Savoir que le chansonnier soporifique a tapé le bœuf avec l’aphone Bruni et que cette dernière l’a chaudement recommandé en haut lieu et bien tiens, voilà des boudins comme le claironne le légionnaire de Cabu ! Maître es amalgame, coléreux grave, bourre et bourre et ratatine, l’éditocrate Val exècre les contradicteurs et les embourbe méchamment. On assiste à la résistible ascension de Philippo V.(UI) : « Reviens voltage, ils sont devenus mous ! ». Avec ce brûlot, on est dans le vif du sujet et ça fait mal partout.

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J'arrive un peu tard...

Cher Franz ta note de lecture est une petite merveille. Elle touche quelques unes de mes cordes sensibles car comme toi je suis (j'étais plutôt devrais-je dire...) un fan de Charlie H. (je l'achète encore quelques fois...). Moi aussi le cas Val me pose problème. Comment peut-on accepter d'être nommé par Sarko (même si c'est JL Hess qui l'a nommé, mais on sait bien que c'est Carla qui chuchota à "mon mari" le nom de Hess pour Radio-France sur les recommandations de...Philippe V ), alors que pendant des années l'on a éditorialisé à contre courant du politiquement correct, faisant feu de tout bois contre les injustices, contre les jobars du FN, les hypocrites du RPR,les pourris mondialisés..... Je ne vois qu'une raison du revirement (qui déjà se profilait lorsque Val préconisa le oui au référendum dur l'Europe en 2004 et quand il commença à prendre la défense de la "démocratie" américaine et israelienne) , c'est le Pouvoir. Le Pouvoir avec un grand P. Quelque chose qui m'est totalement étranger que je ne veux ni excerser ni subir mais qui doit apparemment faire sacrémment bander quelques uns ! Et dire que pendant des années ce triste sire nous abondait de morale, de morale philosophique même...! cîtait Kant et Descartes, convoquait Montaigne et Jaures, tout en vouant aux gémonies Le Pen , le fascisme,les Serbes,Elstine,Chirac,Pol Pot,Hitler,Napoléon....Bref le chevalier Blanc ! Et tout ça pour ça ! c'est à dire pour "un poste" comme aurait écrit Zola !

Et pourtant je l'aimais bien le Val ! quand il chantait des chansons caustiques avec son pote Font ; ou quand il proclamait son amour des animaux dans ses éditos de Charlie ! je suis même allé le voir sur scène en 97 au TEP à Paris, et j'y avais ammené mes enfants !

allez, bonne soirée et bon WE Franz ; je vais reprendre ma collection de Charlie et relire tous les éditos de Val pour ce WE pluvieux !!

Cher amiread1,

Marrant que nos parcours réciproques se croisent sans cesse : Cazorla, Charlie Hebdo, Val en concert. J'ai moi aussi conservé les Charlie Hebdo et j'y reviens de temps en temps afin d'éprouver le même bonheur à la contemplation des dessins de Riss dans les premiers numéros. J'ai aussi vu le Val en scène à l'époque où j'étais Normand. Les villes de la rive gauche de la bonne ville de Rouen étaient particulièrement dynamiques et l'industrie culturelle y battait son plein. Pour quelques roubles (aujourd'hui ramenés à 5 € maxi le concert), j'y ai vu pléthore d'artistes : Eicher, Bashung, Lavilliers, Paul Personne, Murat, Nougaro, Gainsbourg, Montand, Ferré, etc. et des artistes moins connus mais très attachants : Romain Didier, Boine Persen, Ionatos, etc. et l'incontournable Val. J'ai un peu roupillé à son concert et je n'en garde pas grand souvenir mais voilà, les prix étaient tout à fait abordables et les chanteurs se donnaient. A l'époque déjà, la clique Souchon, Voulzy, Mitchell était à un prix exhorbitant mais bon, je me raconte et je m'égare. Tout ça pour te dire que je comprends ton désarroi qui est aussi le mien face au revirement du sinistre Val. La quête du pouvoir ne peut pas tout expliquer. Je lis en ce moment le livre préliminaire de Sébastien Fontenelle, grand déboulonneur des icônes journalistiques : "Les éditocrates", portraits à l'acide de dix éditorialistes notoires. Voici ce que dit Olivier Cyran de Alain Duhamel : "Depuis 1963... le commentateur politique... accomplit... le miracle de la photosynthèse : il absorbe l'air du temps et le restitue en vapeurs d'ennui... Les yeux roulent, les naseaux fument, la tête oscille dans une illusion de frénésie qui souligne plus qu'elle ne camoufle la fadeur du verbe." Il y en a comme ça pour tout le petit monde des éditocrates.

Bonne semaine et à bientôt.

Franz