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[La trilogie de Gormenghast Tome 3 | Mervyn Peake, Patri...]
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ingannmic



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Posté: Mer 01 Sep 2010 15:51
MessageSujet du message: [La trilogie de Gormenghast Tome 3 | Mervyn Peake, Patri...]
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[La trilogie de Gormenghast Tome 3 | Mervyn Peake, Patrick Reumaux (Traducteur), André Dhôtel (Préfacier)]

L'univers dans lequel nous plonge Mervyn Peake tient à la fois du grandiose et du sordide, à l'instar de ses personnages qui se révèlent tour à tour magnifiques et pouilleux, extraordinaires et pitoyables. Souvent laids, bizarres, ils évoluent dans une atmosphère lourde et obscure, comme si la masse du vaste domaine de Gormenghast pesait à la fois sur les héros et l'ambiance.

Qu'est-ce au juste que Gormenghast, d'ailleurs ? Plus qu'un château, c'est un monde, immense, labyrinthique, délabré, un territoire qui se suffit à lui-même, et dont les habitants n'imaginent pas qu'il existe autre chose, ailleurs. Tout comme la vie du château est rythmée, depuis des siècles et des siècles, par les mêmes rituels, consignés dans d'innombrables ouvrages, auxquels personne n'imagine même pouvoir déroger.
On comprend aisément dès lors le caractère morose et taciturne de la plupart des protagonistes : le respect de ces rituels, qui concernent notamment le maître des lieux : le Comte d'Enfer -Lord Tombal pour les intimes- ne laisse que peu de place à la spontanéité ou à la détente... en effet, bien que la plupart des habitants du château aient des comportements que l'on pourrait qualifier de fantaisistes, ils ne dégagent paradoxalement aucune joie de vivre, cette fantaisie étant davantage synonyme d'excentricité que de joie. Ainsi la Comtesse d'Enfer (Lady Gertrude), femme laconique au physique magistral, qui communique plus avec les oiseaux et ses centaines de chats blancs qu'avec ses propres enfants, envers lesquels elle ne semble éprouver aucune affection. Ou encore sa fille Fuschia, qui elle, se comporte comme une sauvageonne malpropre...
Mais il ne s'agit là que de deux petits exemples parmi une galerie de personnages haut en couleur, parfois très truculents, qui peuplent ce récit.
C'est dans ce contexte que naît le fils du couple d'Enfer, le soixante-dix-septième Comte de Gormenghast : Titus. Titus est vilain, doté d'étranges yeux violets, et contrairement aux autres petits enfants, ne sourit jamais, au grand dam de sa nourrice...

"Titus d'Enfer", premier tome de cette trilogie, couvre les sept premières années de l'existence de cet illustre héritier. Il immerge le lecteur dans une ambiance baroque et ténébreuse, le familiarise avec des personnages merveilleusement décrits (physiquement comme psychologiquement). En évoquant de sombres prémonitions, l'auteur y insuffle également un avant-goût de malheur à venir, qui accentue encore davantage l'aspect maléfique et délétère de l'atmosphère qui règne sur Gormenghast.

"Gormenghast" est justement le titre du deuxième volume de la trilogie. C'est aussi le plus long et le plus dense.

Plus encore que dans "Titus d'Enfer", le domaine y est représenté comme une entité qui aurait presque une vie et une volonté propres. Lorsque l'auteur évoque une menace, c'est bien sur Gormenghast qu'elle pèse, et non directement sur ses habitants. Certains des personnages eux-mêmes d'ailleurs, ne se déterminent que comme des éléments de cette entité. Ce n'est toutefois pas le cas de Titus, qui, en grandissant, supporte de plus en plus difficilement la lourdeur des rituels imposés par le protocole. Il aspire à se réaliser par lui-même, en tant qu'individu, et non comme le représentant d'une lignée séculaire. Il rêve même de quitter Gormenghast, pour partir à la découverte du monde, si ce monde existe... car en dépit des aspirations du jeune garçon, rien n'indique non plus dans cet opus qu'il y ait, hors du domaine, un ailleurs...

Et en attendant, les forces maléfiques déjà à l'oeuvre dans "Titus d'Enfer" continuent leur funeste progression, l'atmosphère devient de plus en plus glauque et sombre... L'auteur l'exprime en développant davantage son sens du lyrisme et de la métaphore. Sous sa plume, une simple ombre se dote de vie et se fait menaçante, quelques nuages deviennent les prémices d'une catastrophe à venir... Mervyn Peake prend également tout son temps pour détailler les motivations et états d'âme de ses protagonistes, mais il nous offre aussi des dialogues remarquables de cocasserie qui ponctuent la lecture de moments parfois très drôles.

Tout cela fait de "Gormenghast" un récit foisonnant, passionnant, qui vous tient en haleine jusqu'à un final qui ne déçoit pas !


Avec "Titus Errant", qui clôt la trilogie, Mervyn Peake nous offre quelque chose de différent : un voyage halluciné, tourbillonnant...

Titus a quitté Gormenghast, et nous le retrouvons au début de ce récit perdu et à bout de force dans un monde qui lui est totalement inconnu.
Sa conscience oscille entre rêve et réalité ; le style se fait saccadé, nous imprégnant du cauchemar éveillé de Titus, qui est pourtant en train de réaliser ce à quoi il aspirait depuis si longtemps : découvrir le monde au-delà de Gormenghast.
Et quel monde !! Qui aurait pu imaginer qu'il existait, hors du domaine, un univers si différent ? Le lecteur avait jusqu'à présent été plongé dans un environnement qui semblait intemporel, comme figé dans une sorte de société médiévale, où l'on s'éclairait à la bougie, et où le seigneur du château étendait son pouvoir sur ses terres de génération en génération et ce depuis des siècles... et là, il est question d'ascenseurs, de machines volantes, et surtout d'une population qui n'a jamais entendu parler de Gormenghast, ni a fortiori d'un éventuel Comte d'Enfer...
Quel choc pour Titus, qui croyait vivre au centre du monde, et à qui ne déplaisait pas tant que ça les marques de déférence inhérentes à son statut. Devenu anonyme, et surtout méconnu, misérable et pourchassé, il en finit lui-même par douter de l'existence d'un Gormenghast, dont il devient de plus en plus nostalgique...
Ce n'est sans doute qu'à ce prix qu'il pourra comprendre qui il est et réaliser que même loin de son monde qu'il a tant voulu fuir, ses origines déterminent en grande partie l'homme qu'il est devenu.

A l'inverse d'un tome II dense et labyrinthique, le récit est ici composé d'épisodes courts. Le style est direct, efficace, nous découvrons de nouveaux personnages, une nouvelle intrigue et... c'est toujours aussi prenant !


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