La semaine dernière, je suis allé passer le week-end à Naples. La vieille ville est magnifique : palazzi baroques, églises majestueuses, chartreuse dominant la cité, cloitres, rues pavées de basalte noir, arrières cours mystérieuses.
Au loin, le Vésuve qui domine la région de sa masse imposante. Dans la baie aux eaux claires les iles de Capri, Ischia, Procida, à un jet de pierre, les sites archéologiques de Pompéi, Herculanum, Oplontis...bref, une ville splendide et peu touristique, une ville qui résiste encore vaillamment à la mondialisation : aucun Starbuck Café, et très peu des fast food et franchises occidentales qui remplacent peu à peu les commerces des autres villes d'Europe (et d'ailleurs).
Ombres au tableau: la vétusté, la crasse, l'abandon, une misère omniprésente, les monstrueux tas d'ordures, les armées de vendeurs à la sauvette proposant des marchandises tombées du camion...
Je me suis demandé quelles étaient les ressources économiques de Naples, cette ville qui donne l'impression que le temps s'est arrêté et qu'elle vit en autarcie...repliée sur elle même, ses traditions, sa religion.
Et j'ai lu Gomorra. Un livre qu'il vaut mieux lire en revenant de Naples qu'avant d'y aller. Un livre passionnant, mais dur.
Un livre où l'on comprend que la Campanie est maintenue dans un état quasi féodal par des seigneurs de guerre moderne :
les camoristes.
Deux parties. La première sur Naples et la seconde sur la Campanie. L'auteur commence par le port et élargit peu à peu la spirale de son analyse...
- Le port et ses trafics, les marchandises qui entrent dans le pays sans affranchir les droits de douane
- Le marché de la confection, la contrefaçon, les ateliers clandestins
- les faubourgs napolitains qui servent de réserve de main d'oeuvre à la Camorra
- les guerres entre clans, pour un territoire ou un marché
- les assassinats, la corruption, le marché de l'immobilier
- pour finir, le terrible chapitre sur les déchets où l'on apprend que la Campanie est la poubelle de l'Europe...terrible.
L'on y apprend que les camorristes sont des criminels en col blanc qui s'enrichissent scandaleusement grâce à l'intimidation, les armes, la violence, se partagent entre clans les marchés juteux (contrebande, drogue, confection, bâtiment, trafic d'armes et de déchets) mais n'en font pas profiter leur pays. La population est impuissante est terrorisée. Les autorités quasi impuissantes.
Saviano, natif de Casale di Principe, une ville emblématique pour la Camorra, décide d'écrire pour lutter contre ce système. Une lutte un peu vaine puisque ceux qui s'y essayent sont généralement assassinés dans la plus grande indifférence.
Espérons que les 4 millions de livres vendus + le film primé à Cannes feront réagir la communauté internationale...
J'ai souligné plusieurs passages qui m'ont bouleversé, en voici deux :
Il n'est pas une seconde où le métier de vivre ne ressemble à la prison à perpétuité, une peine qu'on accomplit en menant une existence sauvage, immuable, rapide et violente. Annalista était coupable d'être née à Naples.
Choisir de sauver la vie à celui qui doit mourir, c'est vouloir partager son sort, car ici, la volonté ne fait pas bouger les choses. Aucune décision ne permet de résoudre un problème, aucune prise de conscience, aucune idée ni aucun choix ne peut donner la sensation d'agir de la meilleur des façons. Quoi qu'on fasse, ce sera une erreur, pour une raison ou pour une autre. C'est çà la vraie solitude.
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