« Il n'est plus resté que nous deux, ma mère et moi, après le départ de mon père. Et il avait beau dire que je devais aussi considérer comme membre de ma famille le bébé qu'il venait d'avoir avec sa nouvelle femme Marjorie, plus Richard, le fils de Marjorie, qui avait six mois de moins que moi et qui pourtant me dominait dans tous les sports, ma famille, c'était ma mère, Adele, et moi, point barre. Plutôt y admettre le hamster Joe que ce bébé, Chloé.» (p. 9)
En cette année 1987, Henry, le narrateur de
Long week-end, a treize ans, la voix qui déraille, une imagination qui le travaille, des accidents nocturnes. Il vit seul avec sa mère et dîne tous les samedis avec son père qui les a quittés pour épouser sa secrétaire, Marjorie, qu'il ne supporte pas. Jusque-là rien d'extraordinaire ; on pourrait croire à un énième livre sur l'adolescence et ses questionnements. Sauf qu'Adele, la très jolie maman d'Henry, est loin d'être ordinaire, un peu à la marge, excentrique. Elle ne sort pratiquement plus de la maison, ne les nourrit que de surgelés et de soupes Campbell qu'elle achète pour des mois, se souvient de la période où elle rêvait d'être danseuse... Pendant ce temps, Henry s'ennuie ferme et espère « qu'il se passe quelque chose ».
Pour le Labor Day, Henry réussit à entraîner sa mère au supermarché. Là-bas, un taulard évadé et blessé les prend discrètement en otage, puis se fait conduire jusqu'à chez eux où il s'installe pour un « long week-end ». Et contre toute attente, Adele accepte d'aider Frank dans sa cavale. Mais l'idylle qui se noue illico entre les deux adultes n'est pas sans inquiéter Henry : pourtant sous le charme de Frank, il craint de se voir supplanté auprès de sa mère. Quatre jours durant, le trio va ainsi vivre un singulier huis clos, chacun se révélant un peu plus au fil des heures, au fil des pages... Et, vingt ans plus tard, avec émotion et humour, Henry révélera les secrets de ce long week-end qui lui a appris à grandir...
Long week-end hésite ainsi entre deux genres vagues et incertains, la comédie adolescente naïve et romantique et le sombre récit d'apprentissage, mais se voit sauvé par des personnages assez consistants pour donner envie de les suivre. Et en tout premier lieu Adele, qui évoque ses espoirs déçus, son mariage qui est parti dans tous les sens, et le reste, l'indicible. Frank aussi, qui petit à petit va raconter ce qui lui est arrivé, ce qui n'apparait pas dans les journaux qui parlent du fugitif. Et enfin Henry bien sûr, partagé entre les embarras de l'adolescence et son amour infini pour sa mère sur les bizarreries de laquelle il pose un regard à la fois incrédule, désolé et attendri. Entre deux considérations (faussement) naïves, Henry à l'art de l'analyse in petto empreinte de gravité. Ruminées avec candeur, ses petites remarques sur lui-même et sur les autres rythment son récit initiatique pour en faire un récit à la fois drôle et grave. Car voilà un roman qui à la fois donne la recette de la tarte aux pêches, décrit l'émoi du premier baiser, dépeint la solitude des banlieues résidentielles, évoque la détresse d'une femme comme étrangère au monde, et rappelle la fragilité du bonheur...
le cri du lézard