Fritz Zorn écrit ce livre au moment où, rongé par les métastases de son cancer, son lymphome, il met un point final à sa psychanalyse et donne un sens social, religieux et politique à sa maladie.
"J'ai été éduqué à mort", répète-t-il. De son vrai patronyme, "Angst" (peur) il va se tourner vers le colère : "Zorn". De quel droit peut-on, sous prétexte de tranquillité, de convenances, d'harmonie dans sa propre vie, éradiquer toute vie de ses enfants ? Et Dieu ? Comment tolérer la soumission bêlante de Job devant le Dieu qui inventa les crocodiles, la menace, la mort et, comme lui, l'en remercier ? Pour Zorn, autant le remercier d'avoir inventé la Gestapo, et accepter enfin que le monde soit régi par le mal.
De gentil, trop sage, chaste à vie, sans aucune relation véritable avec qui que ce soit, Zorn s'est tourné vers la révolte, et avec lui, souhaite que meure la bourgeoise qui permet qu'on éduque ainsi les enfants, meure la religion chrétienne qui a donné la morale mortifère, que meure l'Occident tout entier, d'être le sarcome de Dieu, et que celui-ci se réveille la nuit en hurlant sa douleur.
Difficile à lire sans être bouleversé. Au début, j'ai détesté le récit que je trouvais geignard, et un peu facile cette mise en cause parentale, sans mise en cause de soi-même : on ne peut être à vie victime de son éducation. Plus encore, le style, qui n'était pas sans me rappeler Elfriede Jelinek ou Bernhardt, que je déteste, avec leurs infinies variations aphoristiques qui seraient du Bach, en plus abrutissant, et les chiasmes à répétition, m'avait indisposée... Puis le style prend de la respiration, et, avec la révolte et l'élévation au niveau de la réflexion philosophique, j'ai été happée.
Un livre essentiel, que j'ai eu par le BookCrossing, que je suis donc moralement obligée de libérer, mais que je vais racheter pour le garder.
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