Kate Atkinson semble prendre un malin plaisir un peu sadique à faire pleuvoir les catastrophes sur ses personnages ! En effet, suggère l'écrivain,
« ce n'est pas parce qu'il vous est arrivé quelque chose de terrible une fois que ça ne peut pas se reproduire »...
Tout commence ici par le massacre, en rase campagne écossaise, d'une mère de famille et de ses deux enfants par un tueur fou. Seule Joanna, 6 ans, en réchappe après une fuite éperdue dans les champs de blé. Trente ans plus tard, Joanna est médecin, maman d’un bébé et (mal) mariée (comme souvent chez Mrs Atkinson) quand le tueur, ayant purgé sa peine, est libéré. Ajoutez à cela une orpheline futée de 16 ans affublé d'un frère voyou, à quoi vous ajoutez encore un train qui déraille, une Joanna qui disparaît avec son bébé, un ex-flic pseudo-détective privé, Jackson Brodie, grugé par sa jeune épouse, et qui joue à "je t'aime, moi non plus" avec l'inspectrice en chef Louise Monroe qui, elle-même à l'étroit dans son récent mariage, y cherche une échappatoire en veillant sur Joanna, mélangez le tout, vous obtenez... l'imbroglio savoureux de ce roman ô combien réjouissant !
Kate Atkinson excelle dans les intrigues alambiquées menées tambour battant, ces histoires multiples qui finissent par se rejoindre, parfois sur un simple détail, une coïncidence, car
« une coïncidence n'est qu'une explication qui attend son heure ». Et le lecteur, déjà pris de vertige par une intrigue qui donne le tournis, se délecte de plus de la cocasserie du style, alerte, parfois sarcastique, pimenté de réflexions plus désabusées les unes que les autres et agrémenté de clins d'œil et de références culturelles allant de Dickens aux Simpson, de Virgile aux Rolling Stones. Ainsi le récit est à la fois empreint de culture britannique et ancré dans le monde moderne, dont il pointe les excès de façon légère et ludique. A noter aussi le talent de Kate Atkinson pour les portraits mordants avec sa ribambelle de personnages tous légèrement barrés et pas mal cabossés.
A quand les bonnes nouvelles donc, parce que Kate Atkinson nous parle tout de même de meurtres, de veufs et d'orphelins, de mariages ratés, d'échecs et de déceptions, mais elle le fait avec cette touche d'excentricité et cette pointe d'humanité qui font de son roman un livre pétillant, plein de fantaisie et éminemment sympathique.
le cri du lézard