Le titre de ce livre aurait pu être : "le vieil homme qui lisait les romans d’amour". Comment de pas penser alors au Vieil homme et la mer d’Hemingway.
Mais le roman ici est d’une autre nature.
Le « vieux » est un terme peu respectueux qui désigne ici celui qui n’est plus bon à rien qui n’a plus d’utilité sociale selon les critères sociaux dominants. Cette vision est incarnée par le maire dit la Limace, homme opportuniste, grossier, à la recherche du pouvoir et homme instruit, mais détenteur d’une culture qui s’apprend sur les bancs de l’école, qui s’étale, qui ne prend pas ses racines dans la vie et dans le monde qui nous entoure. Symbole du pouvoir, du gouvernement il méprise le vieux, jusqu’au moment où il se rend compte que son expérience de la forêt et des animaux peut lui être utile.
Le vieux quant à lui n’est pas dupe, le gros ne l’impressionne pas et il sait le remettre à sa place quand il faut. Le vieux a sinon le vrai pouvoir, du moins la connaissance qui lui permet de maîtriser certaines situations dangereuses.
Mais ce qui fait sa force et sa grandeur, c’est sa passion pour les romans d’amour. Bien entendu ce n’est pas un littéraire, il lit avec difficulté, mais les livres le font rêver. Et après tout, lorsqu’on vit au bord du fleuve, lorsqu’on vit à proximityé de la forêt amazonienne, vaut-il mieux « connaître Venise » comme semble la connaître la Limace ou plutôt « l’imaginer » avec ses canaux, ses gondoles et ses amoureux qui s’embrassent avec ardeur, alors même qu’on ne sait pas ce que c’est qu’une gondole et qu’on se demande comment une ville peut être construire sur de l’eau ?
Ce livre est une réflexion sur la vie, sur l’homme, sur les valeurs, sur la culture, sur la nature.
Ainsi, on découvre que la relation entre l’homme et l’animal, mais pas n’importe quel animal, le félin à l’instinct puissant, à l’allure majesteueuse est mille fois plus dense, plus riche, plus noble que les querelles mesquines ou barbares entre des hommes qui ont perdu leur vraie nature et qui s’avilissent à rechercher de l’or ou à dévaster la forêt et ceux qui l’habitent pour satisfaire leur cupidité. A cet égard ce roman est profondément enraciné dans la réalité des pays du fleuve et des peuples de la grande forêt.
Le vieux, qui a été à l’école des indiens Shuar, sait distinguer entre les choses, les actes, les intentions. C’est un sage. Il a compris que dans ce monde ce qui importe c’est sa propre expérience forgée par les épreuves, les essais et les erreurs et c’est aussi les livres qui sont porteur d’une part de rêve et qui aident à vivre. La vraie vie d’un côté, dure, sans concession où la moindre erreur peut être fatale et de l’autre la poésie, l’amour, l’imaginaire.
Ce roman, court, est remarquablement bien écrit, et bien traduit.
C’est l’antithèse d’un roman d’aventure. C’est un livre qui nous parle de la vraie vie, celle qu’a connue le vieux, celle qui lui a donné son savoir, mais celle qui peu à peu disparaît comme disparaissent les indiens, comme disparaît la forêt équatoriale. La dernière phrase résume à merveille ce merveilleux roman :
« Antonio José Bolivar ôta son dentier, le rangea dans on mouchoir et sans cesser de maudire le gringo, responsable de la tragédie, le maire, les chercheurs d’or, toux ceux qui souillaient la virginité de son Amazonie, il coupa une grosse branche d’un coup de machette, s’appuya et prit la direction d’El Idilio, de sa cabane, de ses romans qui parlaient d’amour, avec des mots si beaux que, parfois, ils lui faisaient la barbarie des hommes. »
Que dire après cela ?
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